Objets modestes, citrons et boîtes d’oeufs, fonds gris. Peinture simple, discrète, sans esbroufe chromatique ni effets de manche. Pourtant, ces natures mortes de la jeune Tatiana Pozzo di Borgo, diplômée des Beaux-Arts en 2016, captivent l’oeil, leur humilité insiste, obsède. Comme si dans ces aplats de gris, ces modulations délicates d’intensité, ces choses rendues à leur banalité d’essence et d’usage, quelque chose se manifestait, à la fois évident et insaisissable. Comme si ces tableaux, pour paraphraser Louis-Paul Guigues, « épiaient et entrevoyaient l’au-delà des décors au milieu desquels le destin les fait se mouvoir. » Bref, Tatiana Pozzo di Borgo crée une espèce de naturalisme métaphysique…
Vous avez choisi la peinture figurative, et plus précisément la nature morte. Qu’est-ce qui pousse une jeune artiste dans cette direction e 2019 ?
J’ai toujours eu envie de faire de la peinture. Aux Beaux-Arts, où j’étais dans l’atelier de Jean-Michel Alberola, je me suis demandé pourquoi ce désir de peinture était une telle évidence. J’ai essayé la sculpture, la photo, les films, pour voir si d’autres matières me plaisaient plus, mais j’ai compris que c’est par la peinture que je réfléchissais le mieux. Parallèlement à la peinture, j’ai aussi un rapport très fort à la musique, au piano, à la composition…
Composition, ou plutôt re-composition dans le cas de vos peintures, qui offrent des variations sur un même sujet…
Je travaille d’observation : j’ai besoin d’une présence physique, d’être aux côtés de ces sujets au quotidien. Ca me permet de les approfondir, en travaillant sur le cadrage, en rajoutant ou non un miroir, en laissant de l’espace autour…En changeant très peu d’éléments, la composition et la structure générales varient du tout au tout. J’ai aussi choisi des sujet simples, qui disent le moins de choses possible, afin de me permettre de rentrer dedans… De chercher ce qui constitue sa présence…
La « présence », le terme pourrait venir de la métaphysique ou de la théologie…
Je lis beaucoup de poésie, en particulier Angelius Silesius et son Pèlerin chérubinique, mais aussi des Russes, comme Akhmatova. Mais de ma part c’est plus une intuition qu’une recherche philosophique. A un moment, je ressens une forme de joie, je me dis « c’est ça ».
En parlant de présence, j’ai le sentiment, en regardant vos toiles, que Cézanne est, justement, très présent pour vous…
Pendant mes années aux Beaux-Arts, je passais une fois par semaine à Orsay et une fois par semaine au Louvre et pendant très longtemps j’ai copié un Cézanne, pour tenter de rentrer dans sa peinture. J’ai beaucoup appris sur moi ainsi, sans pour autant dire qu’il s’agisse d’une référence. Bram Van Velde aussi a beaucoup compté…
Exposition Tatiana Pozzo di Borgo, Sans pourquoi, Faubourg des jeunes artistes, jusqu’au 3 octobre