Quelle bacchanale nous offre Abdellatif Kechiche, avec son dernier film, ce Mektoub My Love (canto uno) pour notre plus grand plaisir ! Fureur, ivresse, débordement, garçons et filles s’exposent sous le soleil de Sète. S’amusent, sourient, sourient et sourient, baisent. Y a t-il un film plus heureux que celui-là ? Je ne crois pas. C’est la joie pure de corps désirants et désirés, que nous montre trois heures durant Kechiche. On en redemande, le film est trop court. Une joie sensuellement méditée. Nous suivons la trajectoire de corps, filmés de près le plus souvent, au bord de la mer. Kechiche se souvient que le cinéma n’est que cinéma. Morale, politique et psychologisme au placard. Retour aux premiers temps du cinéma. Une des filles, au bar, dit un peu ivre et en riant : « j’apprécie toutes les bonnes choses dans la vie, l’alcool, les mecs, danser… » Ce oui absolu au monde… Plus nietzschéen que ce film, c’est impossible. Film dionysiaque qui est le retour à une sensualité libérée, préconsciente, animale. A-t-on déjà vu un tel film, où l’Eros occupe intégralement la place ? A notre époque où la mort domine tel un maître, le film s’offre à nous comme une belle échappée. Cette orgie organisée cinématographiquement va faire frémir. Voyez la propagande romantique monter au créneau. Un film sans inquiétude, sans tragique, sans même un dérapage ou un viol diront certaines féministes ? Pas d’envers de la médaille à cette révolution des sens, est-ce raisonnable ? Scandale ! Mais enfin, où est passée la guerre des sexes post-Weinstein acclamée par les réseaux sociaux et les médias télévisuels ? Des garçons et des filles mêlent leurs désirs heureux, s’entendent, se comprennent, s’aiment. Simplement. Ce sera trop pour certains.
Kechiche filme une cérémonie religieuse où l’on danse jusqu’à l’extase. On pense à La Danse de la vie humaine de Poussin. Une sereine splendeur illégale. Est-ce cela le paradis?