A qui voudrait prendre le pouls de la peinture japonaise, mais serait dissuadé par les kilomètres et le jetlag, on conseillera la galerie Taménaga. Leur expo du moment, Nouvelle Ere du Japon IV, réunit quelques-unes des jeunes pousses les plus vivaces du moment – sans oublier, comme pour faire le lien avec les générations précédentes, la présence de toiles de Kengo Nakamura (né en 69) et leurs explosions de couleurs et de motifs pop. Bestiaire fantastique – la ménagerie fabuleuse de Maiko Kitagawa (née en 1983), le couple dragon et tigre chez Naoya Egawa (né en 1988) –, saisie minutieuse de l’instant fugitif et fragile chez Sohei Iwata (né en 1978), maître de l’arrangement floral sur toile, natures mortes en quasi trompe-l’oeil chez Daiya Yamamoto (né en 1986) : l’éventail est très large, mais tous ont en commun une attention, une passion même, pour le « faire », pour le travail si concret, presque charnel de la matière. A l’image de Maiko Kitagawa, qu’on en rencontrée, et dont la fantasmagorie animalière, le noir et blanc fourmillant de détails, nous a longtemps retenu.
Vous utilisez un instrument bien particulier…
J’utilise un dermatographe, un crayon gras à base de cire, employé en lithographie, et qui n’est pas destiné, initialement, à créer des tableaux. Je l’ai découvert aux Beaux-Arts, en troisième année, lorsqu’on m’a enseigné l’estampe.
On pense beaucoup à Gustave Doré, en voyant vos oeuvres. C’est une de vos influences ?
Je suis ravie que vous citiez Gustave Doré ! Je l’ai d’abord découvert en tant qu’illustrateur, avec son Don Quichotte. Moi-même, j’ai illustré une version des contes de Grimm. J’ai toujours aussi aimé, depuis que je suis enfant, Goya et ses Caprices. Et Redon également, est quelqu’un que j’adore.
Redon, Goya, ce sont des mondes fantastiques… Mais vous êtes aussi proche du monde du conte…
Oui, et des fables, comme celles d’Esope. Ce qui m’intéresse, c’est le rapport entre le conte et l’enfant : celui-ci croit ce qu’on lui raconte sans douter… Quand j’illustre un conte, je suis dans l’état d’esprit de l’enfant, l’histoire n’est pas une fiction.
Les contes, comme vos tableaux, sont peuplés d’animaux. Pourquoi cette présence insistante ?
J’ai toujours vécu à la campagne. J’ai l’impression que les animaux sont, moralement, supérieurs aux êtres humains. Et je ne fais aucune différence, que ce soit entre les animaux et les hommes, ou les adultes et les enfants. Je ne représente jamais la figure humaine, mais les animaux issus des contes traditionnels, le renard et le blaireau, peuvent se métamorphoser en humains…
Vous êtes accrochée aux côtés d’autres jeunes peintres japonais. Vous avez le sentiment d’avoir quelque chose en commun avec eux ?
Je ne les connais pas personnellement, mais leurs oeuvres, oui. J’enseigne aux Beaux-Arts, au Japon, et je m’aperçois que la plupart de mes étudiants ont renoncé à la peinture : ils estiment avoir atteint la limite de cet art. Mais cette exposition, avec ses tableaux, m’encourage et m’incite à continuer dans cette voie.
Même à Paris, vous avez continué à travailler sur les oeuvres exposées…
J’ai du mal à dire quand une oeuvre est finie – c’est la date de l’exposition qui fixe un terme ! Mais je sais quand même quand je dois m’arrêter : c’est lorsque je peux montrer l’oeuvre.
Exposition Nouvelle Ere du Japon IV, galerie Taménaga, jusqu’au 24 octobre