Donnez une caméra à Riad Sattouf, il fera Les Beaux Gosses, soit l’une des meilleures comédies de ces dix dernières années. Ajoutez de l’argent, trop d’argent, il fera Jacky au royaume des filles. Soit une satire des sociétés patriarcales inversant systématiquement les codes « genrés » : dans ce royaume imaginaire, les hommes sont en burqa, et portent des colliers de chien, tandis que les femmes font régner la terreur. Sur le modèle de Cendrillon, Jacky (Vincent Lacoste, toujours très bon) tombe amoureux de la future leader du pays (Charlotte Gainsbourg), qu’il tentera de séduire lors d’un grand bal. La démesure (louable) du projet et la création d’un royaume de conte (fût-il comique) appelaient un scénario et une mise en scène démesurés. Malheureusement, les gags, parfois bons quoique enchaînés un peu mécaniquement, semblent flotter dans ce film trop produit, comme les personnages flottent dans leurs tuniques. Et pour ce qui est de l’imaginaire fantaisiste du film (la langue, la ville, le palais), il se révèle aussi pesant qu’une suite de trop des Visiteurs ou qu’un énième opus des aventures d’Astérix, ce que confirme la présence au casting de Didier Bourdon. Sans préjuger de la vie du film en salles, il faut espérer que cette mauvaise passe n’empêchera pas Riad Sattouf de revenir vers ce qu’il fait de mieux, en dessin comme sur les écrans : s’imprégner de l’air du temps pour en montrer les ridicules.