Courbes et torsions de l’espace, comme dans une de ces géométries ou topologies ultramodernes. Filaments comme des traînées de fluide vital. Ce noir, si dense, qu’il semble luisant. Ces formes – aquatiques, foetales ? – en suspension dans on ne sait quel liquide. La peinture de l’Allemand Stohead (né en 1973) est de celles qui, d’emblée, semblent s’accorder à ces autres dimensions, essentielles et mystérieuses, qui sont celles de la science, de la métaphysique ou de la philosophie. Mais cette puissance évocatrice ne serait sans rien sans le labeur de l’alchimiste, voire du chimiste, le travail méticuleux sur la matière, qui aboutit à ces textures à la fois lisses et riches. Stohead pratique une peinture à la jonction du plus concret, du plus artisanal, et du plus abstrait.
Vous êtes d’abord fait un nom dans le graff, que vous pratiquez d’ailleurs toujours. Quel rapport y a-t-il avec votre peinture, telle qu’on peut la voir exposée ici ?
Je cherche mon équilibre intérieur dans des choses qui n’existent que la durée d’un instant. Le nom de l’exposition, Ephemeral 2.0 est particulièrement révélateur. C’est le fil conducteur de toutes mes oeuvres, et c’est sans doute ça qui relie le graff et ma peinture, même s’il ne faut pas forcer le rapprochement. J’ai toujours eu l’intention bien arrêtée de travailler en atelier, j’ai toujours voulu aller plus loin, trouver mon propre langage au-delà de l’exercice de calligraphie qui consiste à écrire son nom.
La facture de vos tableaux trahit une attention méticuleuse à la technique… C’est quelque chose qui vous fascine ?
Bien entendu ! Je ne suis pas seulement peintre, je travaille aussi dans la restauration de tableaux, dans la décoration d’intérieurs. Ca m’a permis d’accumuler une vaste connaissance de tous les matériaux et les produits. C’est un aspect qui me fascine : la façon dont l’industrie développe ces derniers, leur évolution. Dans mon atelier, je suis un scientifique. J’ai des éprouvettes, des récipients en verre, je mélange différentes peintures, j’observe le comportement des pigments, la manière dont ils sèchent. C’est un processus qui attise toujours ma curiosité et me préserve de l’ennui que j’éprouverais à me cantonner à un style unique, à utiliser la même bombe sans relâche. Oui, je suis un peu un savant fou dans mon atelier ! Et quand je voyage, par exemple si je vais au Vietnam ou en Chine, je cherche des outils introuvables ici. Ou bien je conçois mes propres pinceaux moi-même…
Exposition Stohead, Ephemeral 2.0, Le Feuvre & Roze, jusqu’au 26 octobre