Just the Wind est une chasse à l’homme, la traque d’un gamin rom, de sa soeur et de leur mère en Hongrie il y a cinq ans. Bence Fliegauf réalise un plaidoyer aux allures de film d’horreur.
Un vent de violence souffle sur la Hongrie. Au cours de l’année 2008-2009, de nombreux Roms ont été abattus. Des attaques au cocktail Molotov ont décimé des familles entières. Certaines de ces agressions n’ont même pas été mentionnées dans les journaux. À partir de ces événements, le cinéaste filme le calvaire sur vingt-quatre heures de deux enfants et de leur mère à la manière de Elephant de Gus Van Sant. Dès l’aube, la caméra suit Rio, sa mère Mari et sa soeur Anna, alors qu’ils courent à la mort. Comme si elle les traquait. Cette ultime journée est l’occasion de montrer la lutte incessante pour la survie de certains Roms. À mille lieues du folklore traditionnel, de la chaleur d’un Tony Gatlif ou des délires éthylico-felliniens d’Emir Kusturica, Fliegauf dépasse la chronique ethnique et lorgne vers le conte horrifique.
Charrié par le vent dans une Hongrie rongée parle racisme et la misère, le mal s’est répandu parmi les hommes. Les voisins hagards déambulent comme des zombies assoiffés de mauvais alcool. Le petit Rio est suivi par ses propres amis qui cherchent un traître parmi eux. Il doit échapper à des policiers qui laissent en paix les tueurs de Roms et leur trouvent des excuses abjectes. Anna et Mari déambulent sous les regards concupiscents de leurs voisins. Hors de sa communauté, le patron de Mari passe sa journée à l’humilier en la menaçant de la virer. Où qu’ils aillent, les trois héros traversent un territoire malfaisant.
Telle une présence démoniaque, la caméra, aérienne, scrute chacun de leurs pas. Le mal a contaminé le paysage si bien que la violence est palpable dans chaque plan. Dans des abris sordides, grouillant de carcasses animales, ou dans des paysages bucoliques, la menace ne s’estompe jamais. Elle s’est insinuée dans l’air que respire cette famille. Un long travelling suit Rio en plan rapproché, qui passe devant un groupe tzigane, à la lisière d’une forêt : en flou, derrière lui, les hommes ne sont plus que des ombres hostiles. Les bois indistincts semblent dissimuler des assassins qui s’y seraient tapis pour le pister en toute discrétion. Chaque son recèle sa menace : le chant d’un oiseau ou d’une femme, une voix étouffée ou le vent qui balaie les arbres.
Au-delà de la force d’un plaidoyer récompensé du prix Amnesty International, il y a du film d’horreur, dans cette manière de susciter le malaise en suivant des morts en sursis. Le cinéaste invente un dispositif anxiogène, souvent intenable, pour placer les spectateurs dans le piège qui s’est refermé sur les Roms de Hongrie. « Ce n’est que le vent ! », croit juste de rassurer Anna. Oui, mais ce vent-là n’augure rien de bon.