DEBORAH EISENBERG EST UNE STAR A NEW YORK, et pourtant, en France personne n’en parle. Pourquoi ? Je n’ai aucune réponse. C’est en tout cas bien dommage, car Eisenberg, nouvelliste du New Yorker, a des choses à dire. Dans son dernier recueil, Le Crépuscule des superhéros, elle a même eu une intuition géniale : le 11 septembre a changé les Américains, ils ne croient plus aux superhéros. Qu’est ce que ça veut dire ? Simplement qu’ils ont perdu leur jeunesse, sont entrés dans la l’âge adulte de plein fouet, par l’Histoire. Le sentiment de toute puissance qui habite les enfants, qui habitaient les Américains, a disparu. Les Américains se sont peut-être rapprochés des Européens, depuis l’effondrement des tours, dans cette blessure.
Elle a vu autre chose : le 11 septembre a laissé les Américains dans un tremblement de terre psychique, une espèce d’affolement identitaire qui dure jusqu’à aujourd’hui. Cet affolement est accompagné de quelque chose de rare chez eux, la mélancolie, la nostalgie d’un monde perdu, celui d’un âge d’or, de la jeunesse, de cette époque d’avant le 11 septembre. Ce que montre très bien ces nouvelles, elles aussi construites, déséquilibrées, sans ligne claire, sans quasiment une trace de pensée, rivés sur un passé perdu.
Certes, Obama va peut-être changer la donne, mais qui sait ?
Au fond, Deborah Eisenberg est l’écrivain qui retranscrit le mieux l’état des Américains. Cette force supérieure, incarnée par des superhéros, s’est dégonflée avec l’effondrement des tours. Les Américains sont peut être seuls, ne sentent plus dans leur dos le souffle de leur nation, réduits au statut de l’homme le plus fondamental, celui si bien décrit par Kafka, celui du délaissement.
Emmanuel Levinas écrivait : « Ce qu’on dit écrit dans les âmes est d’abord écrit dans les livres. » La preuve, ce recueil de Déborah Eisenberg.