Qu’est ce qui vous a amené à vous tourner vers le cinéma ?
Il y a quelques années, j’ai commencé à produire des films. Cela a été pour moi une manière de mettre un pied dans ce milieu. Avant, je m’exprimais artistiquement par la danse, la sculpture, la musique et, un jour j’ai retrouvé les journaux intimes de mon père. Je me suis retrouvée dans le rapport conflictuel qu’il avait avec l’écriture. Cette trouvaille a suscité en moi un désir d’écriture. Au départ cela s’est fait de façon totalement intuitive puis, j’ai pu voir des liens entre tout ça et j’en suis venue à construire une véritable architecture de l’histoire. Ce rapport particulier à l’écriture, on le retrouve d’ailleurs en filigrane tout au long du film.
Vous avez également écrit le scénario et une partie de la musique, pourquoi était-ce important de toucher un peu à tout dans ce film ?
Ce film est pour moi quelque chose qui fonctionne comme un tout. Je crois que quand on ne se cantonne pas un un rôle et qu’on s’intéresse à tout, les choses se répondent davantage.
L’esthétique du film, picturale et très lente, donne l’impression de se trouver à la frontière entre film et vidéo d’art, qu’en pensez vous ?
Je pense que l’impression que vous avez eu tient à la nature fragmentaire du film et à la façon dont la temporalité est déconstruite. Toutefois, je n’ai pas abordé ce projet comme une vidéo d’art. L’image a effectivement une place importante mais elle se prête à l’histoire. Elle sert le récit en figurant la construction mentale des souvenirs du personnage de Marie. En ce qui concerne le rythme, ce n’était pas forcément une intention, le film a trouvé lui même son rythme. Finalement, la narration provient de l’image et des symboles qu’elle renvoie.
À ce sujet, comment définiriez-vous ce récit ?
Je raconte l’histoire d’une transformation et d’une renaissance. Marie, le personnage principal, perd son père. Elle est alors happée par le monde du silence et par le passé : elle va devenir une autre version d’elle même, c’est le deuil qui va être le moteur de cette résurrection. Je voulais faire quelque chose de très sobre pour être au plus proche de la psychologie du personnage et de souligner la carence émotionnelle que Marie va essayer d’apprivoiser tout au long du film.
L’oeuvre est dédiée à votre père, quelle part de votre intimité avez-vous mis dans ce film ?
Je me suis inspirée d’un état d’âme que j’ai moi même eu par rapport au deuil de mon père mais, selon moi, le personnage de Marie est universel. Il est vrai pour tout ceux qui vivent un deuil et, plus généralement, pour tout ceux qui vivent le deuil d’eux même et du passé.