Il fallait une fête aux couleurs du passé et de l’avenir. La réouverture du Châtelet vendredi soir, après deux ans de travaux, s’est donc faite en Parade. Choisissant par ce titre de se mettre sous l’égide du spectacle de 1917 signé Picasso, Satie, Cocteau, et les ballets de Diaghilev sur scène, les équipes du Châtelet, et la direction bicéphale, Ruth Mackenzie et Thomas Lauriot dit Prévost, ont choisi de miser sur l’exotique, le spectaculaire, le burlesque. Ainsi de ce qui s’ouvrit sur la place de l’Hôtel de Ville, par l’entrée en scène des marionnettes géantes du Mozambique, figures burlesques et dandinantes dans une véritable parade, qui, au son des percussions et pour la joie des plus jeunes enfants, remontèrent en dansant l’avenue Victoria. Parmi elles, la Cocteau machine, et sa désinvolture robotique. S’ensuivit l’ouverture des portes. Très attendue, elle révéla la splendeur d’un Châtelet qu’on n’avait jamais connu si étincelant, de ses salons à ses foyers, de son orchestre à ses balcons, on put enfin deviner ce qui, en 1917, menait tout Paris ici, à découvrir des spectacles aussi invraisemblables que Parade.
Car le spectacle de Satie, déjà sous le signe forain, dépassait en excès, en coûts, en décors-Picasso était alors dans sa période de superbes et mystérieux Arlequins-en musique, Satie sortait de ses derniers sentiers, tout ce que le public attendait. L’accueil fut donc mitigé, on sait depuis L’Après-midi d’un Faune que les audaces scéniques de ce Paris Belle Epoque étaient accueillies par des huées, et par les saluts parfois de très grands. Le sujet de Parade ? Le cirque, Cocteau compose un spectacle de numéros offerts par une troupe itinérante.
Ce Parade 2019 fait preuve en cela d’une fidélité absolue au spectacle de 1917 : dans le Châtelet, le cirque commençait, à la manière, délicate et féérique du monde d’Erik Satie : danseuses de cabaret dans le hall, dialogue d’un comédien costumé et d’un cygne devant les Balcons, sirène sur le piano…Une scénographie gracieuse et fantaisiste qui mettait en valeur, pour les heureux invités de cette soirée de réouverture, la superbe du théâtre. Puis le spectacle commença, dans un décor d’hommage à Picasso et de renouveau contemporain, notamment dans le choix des matières, plastique pour le rideau et des costumes, burlesques et futuristes par Francis O’Connor. Sur le même principe que Parade, les numéros se sont succédé : acrobates, clowns, et les performances aériennes de la compagnie d’Elizabeth Streb. Une folie joyeuse, circassienne qui embrassa la joie saltimbanque du premier Parade, il y a plus d’un siècle. À l’époque, une femme offusquée par ce qu’elle voyait sur scène, aurait déclaré, « si j’avais su, j’aurais emmené les enfants ». La phrase vaut pour cette ouverture, le Châtelet promet de s’adresser au plus grand nombre.
photo (c)Hélène Pambrun