Un immense paysage, avec ses lignes de niveaux, ses poussées souterraines, ses élévations, ses vallons, tel est le spectacle qu’offre la dernière expo du Palais de Tokyo, qui balaye la scène artistique contemporaine française. Dans toute l’extension du terme : artistes éprouvés (Nathalie Du Pasquier, qui a fait ses armes avec Memphis), noms débordant les frontières du petit monde de l’art (Alain Séchas), jeunes pousses, comme le peintre Antoine Château, né en 1988. Peinture (Vidya Gastaldon s’emparant irrévérencieusement de Delacroix), installations (Jean-Alain Corre et ses rêveries romanesques de bric et de broc), les genres attendus sont là, mais l’expo pousse dans les territoires périphériques de l’art, vers les arts décos par exemple, avec Marc Camille Chaimowicz et ses motifs de papier peint…Un paysage exubérant, qu’irriguent actualité, préoccupations sociales, humour, clins d’oeil à l’histoire de l’art, pop culture 2.0… Mais un paysage qui n’a cependant rien d’une jungle embroussaillée, d’un chaos d’oeuvres hétéroclites, tant il semble régner sur toutes ses provinces un même climat. Une attention à tout ce qui est fragile, insignifiant, pauvre banal, et tous les équivalents qu’on agrègera autour de ce mot du titre de l’expo (soit dit en passant emprunté à Olivier Cadiot) : « fugitif ». D’oeuvres en oeuvres, c’est la même tentative, inlassable, pour saisir ce qui se dérobe, platitude prétendue de l’existence quotidienne, zones grises, voire opaques, du corps social, mystères de l’être, invisible… A l’image des peintures sur verre de Carlotta Bailly-Borg, qui sont comme des plaques sensibles où se fixent des formes humaines fluides, en métamorphose.
Exposition Futur, ancien, fugitif. Une scène française, Palais de Tokyo, du 16 octobre au 5 janvier