A la veille de la Première Guerre mondiale, l’heure n’est plus à la réflexion. La patrie somme ses citoyens de choisir leur camp : ceux qui se portent volontaires pour partir au front sont les braves, ceux qui décident de rester chez eux sont des couards, voire des traîtres. À Londres, dans le quartier populaire de l’East End, John Patterson n’a pas dix-neuf ans quand la guerre éclate. Ce fils de facteur qui vit au sous-sol d’un vieil immeuble au milieu des livres que son père collectionne depuis le décès de son épouse rêve de faire de grandes études littéraires. La violence de la guerre ?Très peu pour lui. Sa survie est sa fréquentation des grands auteurs. À l’inverse, son frère de lait, Martin Bromley, petit voyou à l’accent cockney qui n’a jamais compris son engouement pour les études, se rêve soldat héroïque, défenseur de la mère patrie. Les deux amis se trouvent alors séparés par leurs visions diamétralement opposées du devoir. Martin parvient à s’engager malgré son jeune âge en se faisant passer pour son frère mort, tandis que John ne comprend pas la nécessité du conflit. Découragé par son père et son meilleur ami William, pacifiste et grand admirateur de la culture germanique, John refuse de s’engager malgré la forte pression exercée par les recruteurs de l’armée. Une pression qui ne cesse de croître tandis que les hommes meurent par milliers sur le continent. Alors que John fait face à la vindicte populaire mais aussi au mépris de celle qu’il aime, Martin ne donne pas de nouvelles du front.Jusqu’au jouroù John va découvrir une pile de courrier que son père n’a pas distribué aux familles destinataires. Des lettres adressées par l’armée,dont une pour la famille Bromley … Dès lors, plus que la peur de la mort, c’est la vérité qui va hanter John, et son terrible poids. Stefan
Brijs rend compte à merveille, dans ce roman moderne malgré son contexte historique, d’une certaine idée du courage qui impose de demeurer fidèle à ses convictions en toutes circonstances. Et même si, en dernière instance et en temps de guerre, cela implique le recours à la violence. Mais, semble suggérer l’auteur, ce qui fait la différence entre les héros et les autres, c’est la conscience de cette violence. Courrier des tranchées est un roman tout en nuances, habité par des personnages qui incarnent les contradictions de l’époque. Un livre qui raconte que même aux heures les plus sombres de l’histoire, il est possible de sauver une part de son humanité.
Courrier des tranchées
Stefan Brijs
Héloïse d’Ormesson