Boxeur vieillissant, au palmarès de seulement treize victoires pour trois fois plus de défaites, Steve Landry est aussi marié, père d’une préado et serveur dans un fast-food. Lors d’un entraînement, il entend que Tarek M’Bareck, la sensation du moment, recherche d’urgence un sparring-partner. Soit un homme solide, prêt à recevoir les coups sans broncher, le temps de la préparation de son prochain combat. Dans le rôle de Landry, Mathieu Kassovitz confirme son statut de grand acteur. Si l’âge a creusé plus encore son visage si singulier, quelque chose demeure de cette opacité qui pousse le cinéma et la télévision à persister à s’intéresser à lui, malgré ses sorties de plus en plus embarrassantes sur Twitter. Le Bureau des légendes ou Happy End d’Haneke, si leurs réussites respectives ne reposent pas sur ses seules épaules, lui doivent une grande part de leur potentiel de trouble.
Dans la peau de ce boxeur raté, donc, Kassovitz joue la carte de l’humilité. Aussi bien auprès de sa femme Marion (la chanteuse Olivia Merilahti, du groupe The Do) que de sa fille Aurore (touchante Billie Blain). L’homme au foyer, attentif, éclipse le portrait attendu d’un revanchard. Il leur annonce avoir été engagé comme sparring-partner comme il les informerait d’une augmentation au bureau. La boxe, observée par l’acteur et néo-cinéaste Samuel Jouy, n’est pas exclusivement un monde de défiance et de virilité exacerbée. Face à M’Bareck (Souleymane M’Baye, authentique champion), Steve n’est au départ pas grand-chose et s’avère un partner peu convaincant, que l’autre n’hésite pas à humilier publiquement. Mais il a conscience de ses limites, ce qui fait de lui le meilleur des conseillers. Parce qu’il aime profondément la boxe et n’occulte jamais sa part stratégique, il rappelle au champion que l’échec tient souvent à un geste manqué.
Sparring est de ce fait un film sur les coulisses, sur la façon dont se pratique quotidiennement le « noble art » loin des feux des projecteurs. Peu de combats sont montrés, l’issue de la rencontre qui tient lieu de fil rouge éludée. La plus belle part du film repose sur l’empathie décelable, hors du ring, entre les trois partners de M’Bareck. D’abord soucieux de montrer aux jeunots qu’il n’est pas encore rouillé, qu’il est, lui aussi, capable d’encaisser les coups, Steve ne tarde pas à parler avec eux de tout autre chose. Leurs goûts musicaux par exemple. Car un autre enjeu, d’apparence mineure, intéresse Samuel Jouy. Celui de la philosophie qu’un père espère transmettre à sa fille. Si Steve souhaite voir Aurore poursuivre le piano, discipline où il la croit douée malgré les réserves de sa professeure, il ne la force absolument pas. Quel que soit le résultat, c’est l’enthousiasme qui justifie la pratique d’un art, une passion. Une leçon toute simple, presque humble, loin d’une épopée grandiose du ring.