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NOUVEAUX MONDES

 

Panorama a vingt ans, et ce cru 2018 de la jeune création contemporaine issue de la pépinière des étudiants du Fresnoy témoigne brillamment que la valeur n’attend pas le nombre des années…
 

 

« Aucun homme n’est une île » : ces mots de John Donne pourraient être gravés, ou plutôt clignoter en lettres de néon, tant le numérique et la technologie sont omniprésents, sur la façade du Fresnoy, qui déroule son vingtième Panorama. « Panorama », ou plus justement constellation, archipel,cloud, comme on voudra, puisqu’il s’agit, comme autant de points sur la carte de la création d’aujourd’hui et de demain, de relier, au sein d’un ensemble mouvant, une juxtaposition tourbillonnante d’oeuvres et de visions singulières. Et d’esquisser, via les réalisations des étudiants du Fresnoy et d’artistes-professeurs invités, la physionomie encore indéfinie, naissante et mutante, de la jeunesse de l’art contemporain. Autre métaphore possible, celle du flipper, puisqu’on ricoche et rebondit, au gré d’une déambulation qui zigzague d’une pièce à l’autre sous la houlette attentive et prévenante du directeur artistique de cette édition, José Manuel Gonçalves. Traçant ainsi moins une trajectoire bien frayée qu’une série de courts-circuits. Reliant ainsi la méditation sur la couleur de Juan-Pablo Villegas (alliance d’une sculpture interactive, de vidéo et de photos) aux images d’un nouvel exode biblique d’Assia Piqueras ; le travail sur la mémoire visuelle de la Stasi, entre vidéo et monochromes opaques de Marie Sommer, à l’exploration, via des casques de réalité virtuelle des fonds sous-marins par Saïd Afifi. Tout cela se télescope, chaque visiteur étant libre de conjuguer et de recombiner les oeuvres à sa fantaisie, comme les éléments premiers, atomes ou corpuscules, d’un univers artistique en gestation.

Et qui se reproduit, comme dans un microcosme, dans chaque oeuvre. Car c’est ce qui frappe à mesure qu’on chemine au sein de l’expo : chaque oeuvre est elle-même un champ de forces. De tensions, de contradictions et d’associations, qui semblent elles aussi obéir à la logique mouvante de particules prises entre attraction et répulsion réciproques. Prenez Pierre Pauze, qui présente le décor d’un film de SF sur la mémoire de l’eau, assorti d’une vidéo filmant en très gros plan une goutte d’eau. Cinéma et art ; image mobile et installation fixe ; science et fiction ; autant de polarités qui se confrontent au sein de l’oeuvre. Ou prenez Hideyuki Ishibashi, qui retraverse l’histoire de la photo à travers son négatif pour ainsi dire, à travers le revers de la lumière : l’ombre. Façon de redonner à percevoir, à penser, ce miracle qu’est la photo, qui fait surgir la vision de l’obscurité. On n’aurait garde d’oublier Alain Guiraudie, invité à accrocher ses photos aux côtés des travaux des étudiants, et dont les clichés, dira-t-il, sont quelque part entre le roman-photo et Jeff Wall. Collision, hybridation même, de l’ultra-populaire et de l’art le plus sophistiqué, le plus concerté. Et on évoquera enfin le travail de Joachim Olender, dans le cadre de son doctorat en création artistique qui, à travers ses vidéos se pose la question – oxymorique – des « archives du contemporain », faisant ainsi converger deux instances du temps a priori incompatibles. « Archives du contemporain », tiens, ça résumerait bien ce Panorama 20.