C’était mieux avant. Génération sacrifiée, les jeunes d’aujourd’hui. Nous vivons une époque de la victoire du capitalisme sur tout. Le fric, rien que le fric. Eh bien non, sachez-le, à lire ces trois essais passionnants, Les six samouraïs, sur les six qui ont tout pété à Hollywood, Worship, sur l’underground bien vivant à New York, Global techno 1987-2007, sur l’explosion électro. Il s’est passé des choses dans les années 90.
Au cinéma, d’abord. Quentin Tarantino, Steven Soderbergh, David Fincher, Spike jonze, Paul Thomas Anderson, David O Russel. Un jour, Steven Soderbergh réalise Sexe mensonge et vidéo. Surprise : ce film atypique, dynamitant les canons hollywoodiens, est un succès. Prix du Public au Festival de Sundance, Palme d’or à Cannes, bonne rentrée d’argent. Un film d’auteur financé par la grande industrie du cinéma s’avère rentable, sans rien perdre de son exigence. Et c’est pas tout : Quentin Tarantino en remet une couche avec Pulp fiction, qui rapporte 200 millions de dollars, et une palme d’or en prime. Les producteurs d’Hollywood n’ont qu’à bien se tenir, le cinéma d’auteur renaît de ses cendres. Fort de ces succès, les producteurs s’enthousiasment et vont mettre la main à la poche dans ces années 90. Ca donnera un Spike Jonze et un Paul Thomas Anderson pour le haut du panier, et bien d’autres… Pas cons ces réalistateurs, super coriaces, ils négocient à l’époque tous leurs contrats en y incluant le final cut, le dernier mot sur le montage, côté réalisateur.
En musique, Il faut lire le formidable ouvrage Global Techno (1987-2007) de Jean-Philippe Renoult et Jean-Yves Leloup. On y apprend que la techno est une véritable révolution dans l’histoire de la musique, puisque du rock au rap, les influences venaient de la musique noire et américaine. Maintenant, la techno tire ses influences du monde entier : du dub, du reggae, du jazz, de la musique contemporaine… Un nouveau genre est né, complétement détérritorialisé, à l’opposé du rap obsédé par le territoire, et devient phénomène de masse avec les raves parties. C’est pas rien.
Pour l’underground, les années 90 n’ont pas été de tout repos non plus, comme nous l’ont expliqué et montré Travis Hutchison et Isabelle Chelley dans un très beau livre de photos, Worship. Dans l’inconscient collectif des clubbers l’underground mythique, ce sont les seventies et les eighties. Faux, nous disent les auteurs de l’essai. Au Pyramid, à New York, c’était du grand n’importe quoi toutes les nuits. On y croise des êtres plus farfelus les uns que les autres, qu’on ne voyait pas avant, et qu’on ne verra plus après. Ces années marquent aussi le début de la reconnaissance par une large partie de la société des homosexuels ; le début des performances artistiques ; le début de la vidéo ; le début et la fin du rock avec l’explosion du grunge représenté évidemment par Nirvana.
A quoi ça sert de lire des livres ? A tordre le cou à nos fantasmes toujours là, bien présents, qui même quand on les chasse reviennent malgré nous, balançant entre optimisme ou pessimisme sur l’état du monde selon notre nature.
Bonne lecture avec cette nouvelle maquette, merci à Sébastien, Alex, Rodolphe pour ce beau travail.