« Mythobiographie » : c’est ce mot-valise de Claude Louis-Combet qu’on a aux lèvres en sortant de Catharsis, cette expo de Prune Nourry, couplée à des extraits de son film Serendipity. Un cancer du sein est l’occasion pour la jeune artiste non de se perdre dans le biographique pur ou le pathétique, mais de chercher des correspondances, des miroirs ailleurs. Dans le mythe, dans des figures et des représentations archaïques qui deviennent le reflet de sa propre histoire. Voici des membres féminins massifs, à la concavité robuste, fixés au mur comme des fragments d’un bas-relief d’une civilisation très ancienne ; voici, suspendus au plafond un bras, une jambe tout aussi massifs, et à terre le mamelon d’un sein. Pesanteur, présence et plénitude mais aussi angoisse du démembrement, de la perte d’un membre, d’un organe. C’est là, sur le terrain des représentations mythiques, des archétypes, que se joue la maladie : la solidité pleine, épanouie, du féminin et ce qui menace d’en rompre la cohésion. Qu’est-ce qui menace, d’ailleurs ? Regardez ce buste féminin, regardez ce renflement galbé, disproportionné, véritable sein s’arrondissant contre un mur, regardez ces flèches tendues vers une cible elle aussi en forme de sein. Matérialisation des rayons de la chimio, bien sûr, mais il y a plus : c’est la flèche, raide, qui détruit, pénètre, le principe mâle par excellence. Comme si, nous suggère Prune Nourry, la maladie se rejouait là aussi, dans ces strates obscures de la conscience, là où les grands principes s’affrontent. Et ce n’est pas pour rien qu’au sous-sol, des assemblages de verre évoquent autant les éprouvettes des laboratoires, les complexes assemblages des canaux intimes du corps ou les ramifications végétales. Mythe, là encore, du corps féminin, à la fois fragile, siège de la naissance, relié à la Nature. En parlant de sa maladie, Prune Nourry parle à tous, avec un langage universel.
Exposition Prune Nourry, Catharsis, galerie Daniel Templon, rue du Grenier-Saint-Lazare, jusqu’au 19 octobre