B. Traven au Nouveau Théâtre de Montreuil consacrée à l’énigmatique auteur du Trésor de la Sierra Madre est un projet ample qui embrasse l’histoire du XXe siècle et fait appel notamment à l’excellent Simon Bellouard. Rencontre avec son auteur et metteur en scène Frédéric Sonntag.
D’où est née votre curiosité pour B.Traven qui a passé sa vie à se cacher, en multipliant les identités, et les jeux de piste ?
J’ai rencontré Traven à travers le film de Huston, l’adaptation du Trésor de la Sierra Madre (1948), un film fascinant sur la paranoïa et la soif de l’argent. J’ai donc commencé à m’intéresser au personnage. Traven est le premier d’une longue lignée fantomatique d’écrivains, le choix du retrait de Salinger et de Pynchon s’inscrit dans son sillon. Je me suis passionné pour cette figure de l’écrivain au cours du XXe siècle qui cherche à se mettre en retrait d’une machine médiatique qui est en train de se fabriquer. Pourquoi l’homme qui se cache derrière le pseudonyme de Traven a-t-il passé sa vie à multiplier les identités pour vivre caché ? On a beaucoup enquêté sur qui était Traven dans les années cinquante, soixante, soixante-dix. Or je m’intéresse moins à la question de qui il était, mais je tente plutôt de savoir pourquoi cet homme a voulu préserver son anonymat. De multiples raisons apparaissent dans la pièce : raison politique, liée à une machine médiatique, volonté d’échapper aux mailles du filet qui est en train de se constituer autour des écrivains célèbres, raison artistique, faire passer l’oeuvre avant tout, mais aussi des raisons d’ordre intime…
Comme dans vos précédentes pièces, Benjamin Walter (2015) et George Kaplan (2013), le personnage central n’est pas incarné….
Non, je mets en scène une série de personnages qui directement ou indirectement vont enquêter sur sa vie. Ainsi, un portrait fragmenté apparaît, d’autant plus ici que la vie et l’oeuvre de Traven ne sont pas linéaires. Un labyrinthe d’histoires se compose et se décompose autour de sa vie. J’ai dû trouver une forme polyphonique pour donner forme à cette enquête.
A vous écouter, on pense à Arcimboldi, l’écrivain central de 2666 sur lequel tout le monde enquête aussi…
Je voulais déjà faire une pièce sur Traven quand j’ai découvert Bolano, j’ai eu un intérêt pour lui sans doute parce que 2666 croisait des problématiques, des motifs qui me sont chers…Il semble d’ailleurs qu’une des sources d’inspiration d’Arcimboldi, aurait pu être Traven… D’ailleurs le Mexique joue un rôle important dans le livre, comme dans la vie de Traven, et comme dans ma pièce.
Une pièce qui nous mène de la Première Guerre mondiale à notre siècle…
J’ai vu Traven comme un personnage qui permet de traverser le XXe siècle et ses grands questionnements : la lutte contre le capitalisme, l’identité comme espace de résistance contre la machine médiatique et sécuritaire, la littérature comme récit des vaincus, la question des indigènes au Mexique …
On retrouvera la présence de la vidéo comme dans vos précédents spectacles ?
Cette pièce s’y prête particulièrement, le travail de la musique et des images nous inscrit dans l’époque abordée. On est hanté par une mémoire du siècle liée aux images : la pièce commence en 1917 au début du cinéma muet que je fais apparaître, puis dans les années cinquante, ce sont les codes du cinéma hollywoodien que l’on retrouve. L’image complète la dramaturgie.
photo © JEAN-LOUIS FERNANDEZ