C’est un vrai petit festival Morellet qui se tient entre les murs de Kamel Mennour. On y retrouve, déclinée avec ce mélange de précision au cordeau et d’espièglerie propre à l’homme, toute la grammaire visuelle du défunt géomètre en chef de l’art français. Demi-lunes de néon comme les rouages d’une horlogerie phosphorescente ; grandes lignes obliques envahissant le fond blanc d’un mur de la galerie, comme des segments échappés d’une toiles ; petit moteur-jouet dictant ses rythmes au clignotement d’un tableau d’ampoules ; imposante toile où une constellation de carrés verts se résout en effets d’optique qui rappellent que l’artiste fut une cheville ouvrière des recherches sur le cinétisme pictural ; bouton-poussoir invitant le visiteur à devenir acteur de l’oeuvre… Tout est là, reconduisant sous des formes variées, de la toile à la machinerie, la tension féconde qui traverse toute la production de Morellet, celle qui oppose et réunit la rigueur et l’aléatoire. Qui réconcilie le goût du système, aux paramètres définis selon une exigence toute mathématique, avec le libre jeu des formes régies par les combinaisons du hasard. Une façon d’ébranler la statue du Commandeur de l’artiste-roi en remplaçant l’inspiration par la programmation, la volonté créatrice par l’arbitraire du hasard. Et sans doute est-ce là le tour de force, tout paradoxal, de Morellet, qui d’une main substitue l’impersonnalité à l’idiosyncrasie de l’artiste et, de l’autre, élabore une oeuvre aussi reconnaissable qu’une signature. François Morellet est un dynamiteur joyeux, qui laisse derrière lui non pas un champ de ruines, mais le chantier de nouvelles constructions esthétiques.
Exposition François Morellet, Les Jeux de la logique et du hasard, galerie Kamel Mennour, jusqu’au 7 mars