Si l’édition 2020 du Festival d’Aix-en-Provence ne pourra se tenir normalement, elle n’est pas annulée, mais seulement empêchée. Son directeur, Pierre Audi, nous explique comment le Festival a voulu maintenir un lien vivant à la fois avec son public et la création artistique.
Comment l’idée d’une édition numérique s’est-elle imposée ? Avez-vous, à un moment, songé à complètement annuler le Festival d’Aix-en-Provence cette année ?
Non, c’est plutôt l’opposé, nous voulions absolument être présents. Et nous avons été très ambitieux : nous espérions monter plusieurs des productions, les filmer et les projeter sur support numérique. Mais comme nous ne sommes pas parvenus à atteindre ce but, nous organisons des tables rondes, nous projetons des streamings historiques. Surtout, nous sommes très contents d’avoir pu sauver tous les récitals qui, dans leur majorité, ont été filmés à Aix. De plus nous avons organisé les répétitions d’Innocence, la création mondiale de, Kaija Saariaho jusqu’à la générale piano.
Nous sommes en train de répéter et de préparer cette production pour le lundi 21 juillet. Enfin, cela nous permet d’avancer le travail pour l’année prochaine puisque nous avons réussi à reprogrammer tous les spectacles.
Les streamings historiques, est-ce une manière de revenir sur le passé du Festival ?
Oui, c’est une rétrospective. On espère faire prendre conscience à un nouveau public que ce festival a une importance historique, qu’il a produit des spectacles inoubliables.
Comment les artistes ont réagi à l’invitation de participer à cette édition numérique ?
Ils ont été très coopératifs. Ils étaient très contents de pouvoir répéter et de chanter à Aix. Ce fut aussi une manière de sauver plusieurs emplois.
Quels sont les temps forts de la programmation de cette édition ?
Je suis content de la variété de l’ensemble. Nous allons présenter des œuvres contemporaines, des œuvres baroques, des œuvres romantiques. Cette variété, c’est l’ADN du Festival. Sinon on peut citer l’Orchestre de l’Opéra de Lyon avec Daniele Rustoni et Sabine Devieilhe, le London Symphony Orchestra sous la direction de Duncan Ward qui va être relayé à partir de Londres, Le Balthasar Neumann Ensemble dirigé par Thomas Hengelbrock dans un merveilleux programme Beethoven et Mozart avec Véronique Gens.
Avez-vous conçu les tables rondes comme une sorte de laboratoire de pensée pour les festivals et les pratiques futurs ?
Dans la mesure où nous n’avons pas la chance d’en parler dans les journaux, nous avons organisé ces débats car cela intéresse le public d’évaluer les conséquences de cette crise avec nous. Avec cette édition numérique, nous pouvons communiquer avec les outils que tout le monde a été obligé d’utiliser pendant cette crise. Et je pense que cette scène numérique continuera même quand le festival reviendra. Car la communication numérique fait désormais partie de notre façon de vivre et ce sera intéressant, à partir de ce que nous avons été obligés d’apprendre au pied levé, de continuer une partie de cette activité dans le futur.
En tant que directeur du Festival d’Aix-en-Provence, avez-vous des intuitions quant aux conséquences de cette crise pour le spectacle vivant ?
Je suis d’un naturel optimiste. Nous faisons tout pour que les choses reprennent comme avant. Et je suis convaincu que le public aura de nouveau l’appétit de nous retrouver, et de se retrouver. Notre mission est de ne pas baisser les bras.