Après son Carmen (2015) avec la Compania Nacional de Danza (Madrid), le chorégraphe suédois Johan Inger est de retour à Chaillot avec la compagnie italienne Aterballetto et un Don Juan très tourné vers un personnage oublié jusque-là, la mère du séducteur.
Au plateau, peu de décors, sinon une dizaine de panneaux épais, noirs d’un côté, blancs de l’autre, zébrés, grands comme des matelas, qui construisent un espace changeant : murs, stèles, portes, estrades… Cadre effacé qui donne toute la place à la danse sublime de Johan Inger portée par les 16 interprètes de Don Juan. De la scène d’ouverture, où l’enfant Juan ne cesse de réclamer sa mère débordée, à son jugement dernier, où les conquêtes du mâle défilent sous l’œil grave de sa mère, en passant par ses amours tendres, ses outrages à la morale, son appétit sexuel toujours suggéré, le ballet avance son histoire avec ce qu’il faut de pantomime et d’expressivité des artistes pour éviter le kitsch et le mauvais goût d’une explication psychologique du sex addict. Amoral sans être immoral, il se pare de la danse impressionnante créée par Inger, aux pas de deux sans cesse renouvelés, aériens et fascinants, aux mouvements d’ensemble éclatants de beauté. Si la technique néoclassique des interprètes affleure, la danse est résolument contemporaine, l’énergie partant du sol, des pieds, flexes ici, posés sur la poitrine du partenaire là, et du bassin, cœur des désirs, poussés en avant à en déformer les attitudes, dans une sensualité qui ne vire jamais au bavardage amoureux. Les interprètes brillent par leursqualités de jeu et de danse : Saul Daniele Ardillo en Don Juan méprisable, Estelle Bovay en Elvira amoureuse, Philippe Kratz en Leporello alter ego/double angélique, Arianna Kob en Inès adolescente… Une troupe parfois en léger décalage, mais définitivement à suivre. Les frasques de l’impénitent et de ces danseurs italiens nous tiennent en beauté tout au long des quatre-vingt dix minutes de ce ballet.
Don Juan, Johan Inger / Aterballetto, du 14 au 17 octobre au Théâtre national de Chaillot. Plus d’informations en suivant ce lien.