C’est une histoire pour magazines, belle et assez romanesque avec ascension commune, looping de gloire pour l’un et crash final pour l’autre…Reprenons…il était une fois deux jeunes artistes anglais prénommés David et Patrick, débutant au même moment et connaissant l’ivresse des premiers encouragements, des premiers succès. L’un est de taille légèrement au-dessus de la moyenne et affiche une bouille de futur rondouillard, l’autre est très mince, dépasse les deux mètres et ne peut regarder les autres que de haut, ce qui n’est jamais bon signe. Ces Laurel et Hardy version arty ne se quittent pas dans ces sixties flamboyantes et libres. Amis ? Amants ? Peu importe après tout : seul compte l’intense beauté de leur proximité artistique, leurs échappées à travers une Europe solaire, habitée de la présence éternelle des grands peintres italiens du passé. Leurs noms : Hockney et Procktor. Inutile de faire un dessin : seul le premier patronyme s’est fait une ( grande ) place au soleil, le second a sombré dans l’oubli et en ressort peu à peu grâce à la fidélité et l’opiniâtreté de quelques-uns, convaincus que Patrick Procktor mérite davantage que le rôle obscur de sparing partner du champion David Hockney.
Né à Dublin, en 1936 et mort à Londres en 2003, Patrick Procktor était en effet un remarquable portraitiste et paysagiste que l’amour des voyages avait conduit à l’aquarelle, peu encombrante, maniable partout et à toute heure du jour et du soir. La galerie Loeve&Co a l’excellente idée de rendre hommage dans une exposition d’une grande délicatesse, à cet homme tourmenté, courant après une gloire jamais arrivée, et brisé par l’incendie de son appartement londonien où toute une vie de dandy nomade et collectionneur s’évapora en fumée. La fin, pleine de désespoirs alcoolisés, appartient à sa légende noire. Mais regardons plutôt, et avec attention, ces fines aquarelles présentées à la galerie Loeve & Co : elles dessinent le portrait subtil d’un homme attentif à la beauté, qu’elle soit celle d’un visage, d’un corps ou d’un arbre. C’est le monde d’un homme qui n’a pas su en profiter comme il aurait souhaité et qui, pour se consoler, en a capturé de brefs et admirables moments d’éternité.
« Patrick Procktor, Postures », à la Galerie Loeve&Co, du mardi au samedi, de 14 h à 19 h jusqu’au 31 octobre. 15 rue des Beaux-Arts 75006 Paris. Plus d’informations en suivant ce lien.