Alors que le Festival International des Arts de Bordeaux ( FAB), festival multidisciplinaire à la programmation riche en danse comme en théâtre, (Pippo Delbono, Emma Dante…) touche à sa fin ce weekend, Transfuge s’y est rendu pour y découvrir la création du chorégraphe malien Tidiani N’Diaye, Wax, créé à la Manufacture de Bordeaux. Un spectacle fidèle à l’esprit du festival : célébration cosmopolite de la rencontre des cultures.
Faire danser le Wax. Raconter son histoire, ses symboles et ceux qui le portent sans un mot, à travers la danse c’est le projet ambitieux de Tidiani N’Diaye. Il fait sombre sur un décor de wax, blanc, bleu et doré, et surtout vert tendre. Un gigantesque tissu, tendu du sol au plafond. Exactement le même que celui des costumes des danseurs, quasi caméléons, qui ne laissent voir que les extrémités de leurs corps. Deux cordes, deux planches, deux danseurs (Louis Clément Da Costa et Tidiani N’Diaye) juchés sur deux balançoires jouent avec leurs ombres projetées sur ce tissu. Subrepticement, les ombres s’estompent, la lumière se lève, révèle les danseurs. Et toute l’ampleur de la scénographie, qui évoque les photographies d’un autre malien Malick Sidibé, dit « l’œil de Bamako ». Les danseurs se laissent glisser avec grâce, bras tendus, pieds frôlant le sol, sur une musique nerveuse, qui évoque un balancier et les rouages d’une machine ou d’un train. Ils accomplissent souvent les mêmes gestes sans se toucher, comme s’ils menaient deux existences parallèles, séparées par un invisible miroir. Métaphore dansée d’une vie dans deux pays, d’un tissu qui partage deux continents. Wax alterne duos et soli avec grâce. C’est sensuel, douloureux aussi. Comme lorsque Tidiani N’Diaye tord son visage et ses longs cheveux entre ses mains. Ses yeux écarquillés dans un long cri muet évoquent alors avec puissance et angoisse aussi bien Le Cri de Munch que les statues du Sénégalais Ousmane Sow. Wax est un spectacle nourri de références, qui célèbre la vie, l’Afrique et, n’en déplaise, l’enrichissement mutuel des cultures. Car quand bien même le célèbre tissu est né en Hollande sous la colonisation, Tidiani N’Diaye est fier de son wax, de la façon dont il met en valeur les corps, de ce qu’il raconte de l’Afrique, de ses fêtes. Les danseurs se touchent enfin, leurs mains et leurs jambes s’entrelacent, virtuoses, debout ou sur le sol, accrochés l’un à l’autre comme des lianes, ils tournoient de façon vertigineuse.
L’avant dernier tableau est joyeux, plein d’humour et de vivacité. Comme sur un podium, les jeunes hommes défilent sur la musique de la star nigérienne Wizkid avant de s’emparer de frous-frous, constituées de dizaines de franges multicolores, qui descendent des cintres. Ils les enfilent, se recouvrent tout le corps, visage compris, le dos tantôt rond comme une carapace d’animal, tantôt tendu en oiseau. Les danseurs tournoient inlassablement sous nos yeux médusés, derviches qui hypnotisent d’autant plus que la répétition de leurs gestes fait écho à celle des motifs du wax, qui semblent se multiplier à l’infini.
Wax est un spectacle généreux, intelligent. Peut-être aussi la création la plus autobiographique de Tidiani N’Diaye. Le chorégraphe y raconte avec finesse l’inscription de la France et du Mali dans son corps à travers ce mélange subtile de danse contemporaine occidentale à des danses ancestrales et contemporaines africaines.
Wax– Chorégraphie de Tidiani N’Diaye
2 & 3 décembre 2020 : Festival Les Rencontres à l’échelle, Marseille
12 décembre 2020: l’Echangeur CDCN Château Thierry
21 janvier 2021 : La place de la danse CDCN Toulouse / Occitanie
28 mars – 3 avril : Festival Legs, Charleroi Danse
19-23 avril 2021: TU de Nantes
30 mai 2021: Atelier de Paris CDCN