Plongée au cœur du Golfe du Mexique et de la civilisation olmèque au quai Branly à l’occasion d’une impeccable expo.
Ça commence par une tête colossale, dont Cora Falero Ruiz, la co-commissaire de l’expo, nous apprend qu’elle n’est, modestement, qu’une des plus petites du site de San Lorenzo, dans le Golfe du Mexique, un des foyers de la culture olmèque qui s’est épanouie aux deux premiers millénaires avant notre ère. Les traits, vigoureusement sculptés, affectent une imposante robustesse sous un casque qui renforce encore le sentiment d’une présence massive. Cette tête, outre qu’elle a les traits faciaux caractéristiques de la statuaire olmèque, concentre toute l’ambition, et la réussite, de l’expo : non seulement donner à voir certains des artéfacts les plus remarquables d’une civilisation qui n’a fait que tardivement l’objet de recherches archéologiques, mais aussi et surtout nous mettre dans la tête des Olmèques.
Nous permettre de saisir comme de l’intérieur ce « langage symbolique » qui fleurit sur le basalte et sur le jade. Ainsi ce merveilleux « Senor de Las Limas » (900-400 avant notre ère) en jadéite, figurant un homme tenant dans ses bras un bébé jaguar aux formes mêlant l’animal et l’humain, introduit un élément clef, le jaguar, et une logique qu’on retrouvera plus loin dans l’expo, celle de la métamorphose, avec la sculpture dite du « Lutteur » (1 500-400 avant notre en ère). La tension musculaire de cette dernière semble animer le basalte, et l’humain se transformer en fauve, en jaguar. Mais encore faut-il, pour voir le monde comme un Olmèque, retrouver leur espace et leur temps. On rappelle ainsi les zones géographiques de développement de la culture olmèque, San Lorenzo donc, mais aussi La Venta et Tres Zapotes, dans le Golfe du Mexique. Et c’est justement une date sur une stèle de Tres Zapotes qui nous initie au « Compte Long », à cette façon de dénombrer les jours depuis le début de la création.
Le cadre mental posé, comment les Olmèques – et les civilisations qui leur ont succédé dans ce même Golfe du Mexique, les Huastèques en particulier – se percevaient-ils, comme hommes ou femmes ? On en aura une petite idée avec, par exemple, cette figure féminine sur un piédestal, qui reprend un motif très répandu de la culture huastèque, celui de la vénération, et arbore de larges ornements d’oreilles, indices sans doute d’un rang élevé, ou encore ce jeune homme de Chiquipixita, assis en tailleur. Mais si hommes et femmes acquièrent ainsi une étonnante présence, ils ne sont pas les seuls à peupler l’espace olmèque : les divinités et les forces surnaturelles, ne sont jamais loin, comme l’attestent à El Manati, près de San Lorenzo, de nombreuses sculptures en bois, qui sont autant d’offrandes. Est-il permis au visiteur de rêver un peu, de sortir du strict cadre de la recomposition d’un univers mental ? Toujours est-il que ces bustes, comme les sculptures qu’on a évoquées, comme celle aussi de la « femme scarifiée » de Tamtoc, appellent l’admiration visuelle, la jouissance esthétique. Et peut-être à notre insu, en accordant ainsi la liberté du plaisir à notre œil, épousons-nous plus étroitement que nous ne le pensons le regard des Olmèques et des autres habitants du Golfe du Mexique sur leurs propres productions, peut-être les rejoignons-nous dans une communauté de sensation et d’appréciation…
Les Olmèques et les cultures du Golfe du Mexique, jusqu’au 25 juillet 2021, Musée du quai Branly-Jacques Chirac
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