Avec Tu mourras à 20 ans, le cinéaste soudanais Amjad Abu Alala propose une émouvante fable initiatique et politique.
À peine né, le voici déjà condamné : tandis que Sakina se rend à la mosquée pour faire bénir son fils, Muzamil, le chef religieux lui annonce que l’enfant mourra à vingt ans. Le présage n’a pas vocation à être discuté et tous prennent acte de la mort annoncée de l’enfant : dès lors Sakina se met à porter constamment du noir, endeuillée par une mort à venir, et à inscrire sur les murs d’une cave les jours qui passent. Un jour, le père, ne pouvant supporter la disparition certaine de son fils, préfère s’enfuir plutôt que de l’affronter. Les proches de Muzamil bâtissent un tombeau autour du garçon au point de l’enterrer vivant : enfant, ses camarades le surnomment « Fils-de-la-Mort » et n’hésitent pas à l’enfermer dans un coffre afin de voir s’il peut défier la mort… Le temps passe : le voilà alors devenu jeune homme et sa fin n’a jamais été aussi proche.
Comment vivre malgré l’imminence de la mort, la certitude inébranlable que quoique vous fassiez votre destin est scellé, votre finitude inévitable ? Le premier long-métrage d’Amjad Abu Alala a l’intelligence d’apporter à ces questions, non une réponse linéaire, allant de l’ombre vers la lumière, mais de tracer la possibilité d’une trajectoire sinueuse, faite tout autant de renaissances discrètes que de défaites volontaires, d’épiphanies fugaces que de ruptures dramatiques.
Dans l’espace rural de la province d’Aljazira, le quotidien de Muzamil est ordonné et étroit. Mais la rencontre avec Suleiman, un vieil homme malade qui est revenu à son village natal pour y passer ses derniers jours, constitue une inflexion déterminante dans sa vie. Aussi le jeune garçon est appelé à renaître à travers toute une série de gestes, que ce soit une caresse adressée à un cheval, la récitation des versets coraniques qu’il connaît par cœur, ou un baiser volé de la jeune femme qu’il aime. Cette façon d’accueillir modestement ce qui vit alors que plane une menace constante parvient à composer différentes manières d’être vivant. Mais, au-delà de ces gestes, c’est la figure de Muzamil, toujours au bord de l’évanouissement, qui impose sa présence lumineuse et tenace à l’écran malgré les forces qui voudraient le faire plier, à commencer par lui-même. Dédié aux victimes de la révolution soudanaise, après trente années de dictature militaire, Tu mourras à 20 ans propose une invitation à se tenir droit face aux forces mortifères qui tentent d’immobiliser un peuple.
Tu mourras à 20 ans de Amjad Abu Alala, avec Mustafa Shehata, Islam Mubarak, Mahmoud Elsaraj, Bunna Khalid… DVD, Pyramide Distribution.