Voilà un objet auquel on ne s’attendait certes pas, un vrai voyage dans le temps ! Fermez les yeux et imaginez : nous sommes dans les années quatre-vingt, et votre grand-mère vous a invité au Majestic Passy voir le film « bouleversant d’humanité » du moment, celui que conseillent aussi bien les rédactions de Paris Match que Le Figaro : The Father de Florian Zeller. Elle en sortira enchantée. N’est-ce pas sublime ? Ô la musique de Haendel sur les rues vides de Londres ! Ô ces rais de lumière perçant les lourds rideaux d’appartements cossus ! Ô ces dialogues acérés (il se murmure d’ailleurs que le dramaturge, Christopher Hampton, qui a collaboré au scénario, travaille en ce moment avec Stephen Frears à une adaptation des Liaisons dangereuses) ! Ô ces acteurs si justes, si précis, si émouvants ! On croirait presque revoir Laurence Olivier au Royal National Theatre ! Espérons que le film sera justement récompensé aux Oscars ! Vous vous réveillez. Une question vous hante : comment peut-on réaliser aujourd’hui un film si artificiel, si calculé, si empesé, si vieillot ? À quel étrange bégaiement de l’Histoire cela peut – il bien correspondre ?
The Father de Florian Zeller, avec Anthony Hopkins, Olivia Colman… UGC Distribution, sortie le 26 mai.