Avec Vertigo-Infinite Screen, le compositeur Brice Pauset donne une nouvelle vie au chef-d’œuvre cinématographique d’Alfred Hitchcock. A découvrir au festival de l’IRCAM, ManiFeste, le 3 juin à 20h30 et sur YouTube.
On le sait : Vertigo est l’œuvre cinématographique qui a le plus fasciné et hanté le XXe siècle, suscitant d’innombrables remakes (Obsession de Brian De Palma), relectures (Lost Highway de David Lynch, L’Armée des douze singes de Terry Gilliam, Peppermint Frappé de Carlos Saura) ou variations (La Jetée, Sans soleil et Immemory de Chris Marker). Film sur la fascination exercée par l’image – sur la manière dont cette fascination ouvre grand les portes de l’inconscient et de la mémoire – Vertigo, en effet, est plus qu’un film : c’est peut-être « le film des films », celui qui – en nous transformant en projectionnistes de notre propre fiction – a, de la façon la plus profonde et intime, interrogé notre statut de spectateur. Aujourd’hui que, avec les selfies et les réseaux sociaux, l’image s’incruste davantage encore dans le tissu de nos existences, aujourd’hui que les simulacres ont encore plus tendance à se substituer à la réalité, l’espace méditatif et sensitif ouvert par le film de 1958 exige – encore et encore – d’être déplié et réinvesti.
C’est à ce défi que se sont confrontés le compositeur Brice Pauset et les plasticiens AROTIN & SERGHEI avec Vertigo- Infinite Screen, une composition intermédiale. Il ne s’agit pas, ici, de commenter Vertigo, de l’analyser, et encore moins de le refaire, mais de déployer un nouveau paysage musical et visuel à partir des images d’Hitchcock et de la musique de Bernard Herrmann. Il s’agit en somme d’imaginer la manière dont, au contact de l’infinité de l’espace virtuel qui aujourd’hui nous cerne, le film d’origine peut se décliner, s’étirer et se métamorphoser. Chez Hitchcock, la concentration fétichiste du regard crée une sorte de vertige métaphysique, piège qui emprisonne Scottie, le personnage interprété par James Stewart. En composant une musique fondée sur des leitmotivs créant une multitude de cercles concentriques, une musique où la partition de Bernard Herrmann est citée de façon très discrète, Brice Pauset explore la sidération ressentie devant nos rêves, nos fantasmes, nos cauchemars, nos souvenirs, nos angoisses, ainsi que toutes les images qui nous obsèdent. Il y parvient avec d’autant plus de puissance et d’intensité que sa composition est portée par les images d’AROTIN & SERGHEI qui s’emploient à décliner ad infinitum le code couleur – une palette de jaunes, de rouges et de verts – utilisée par Hitchcock pour Vertigo. Le résultat est enthousiasmant. Vertigo- Infinite Screen réactive les sensations éprouvées devant Vertigo, les rejoue, les redistribue, les redéploie. Si bien que la hantise et la sidération suscitées par le film d’Hitchock acquièrent une vie nouvelle, autonome et quasi abstraite. On savait certes que certaines œuvres portaient en elles un infini pouvoir de transformation mais il est toujours saisissant de faire l’expérience de leurs métamorphoses.
Vertigo Infinite-Screen, une composition intermédiale en hommage à Vertigo d’Alfred Hitchcock. Direction de Titus Engel, composition de Brice Pauset, composition visuelle pour dix-huit écrans de AROTIN & SERGHEI, Centre Pompidou, Grande salle, jeudi 3 juin à 20 h 30. Concert diffusé sur la chaîne YouTube de l’Ircam et manifeste. Ircam.fr