Créé en 2018, Cellule, le solo uppercut d’Anne-Marie Van, alias Nach, continue sa tournée et posera en juin ses valises au Festival de Marseille. Un spectacle manifeste.
Salle plongée dans le noir, bruit de pas cadencés, puis de marche chargée, voix invectivant la foule, une ambiance de manifestation envahit la salle. Par flashs, des images noir et blanc défilent sur des murs gris. Elles montrent un peuple furieux, exalté. La plupart semble être afro-américains. Bien avant le drame de George Floyd, en 2000, des émeutes contre l’impunité de la police éclatent de l’autre côté de l’Atlantique. Un jeune homme noir est mort. Une victime de plus sur un tableau déjà trop rempli. C’est sur ce terreau de violence, de rage trop longtemps contenue, que naît le Krump – acronyme anglais pour Kingdom Radically Uplifted Mighty Praise – cette danse exutoire faite pour canaliser les énergies, éviter de sombrer dans la délinquance.
Puis, le son se perd dans le lointain laissant place à un silence assourdissant. Les images s’évanouissent. Seul un néon éclaire la scène de sa lumière blafarde. Dans la pénombre, une silhouette apparaît. Crâne rasé, veste de jogging ultra-large, Nach esquisse des mouvements saccadés que l’on perçoit à peine. Née en Banlieue parisienne, à Bobigny, de parents immigrés africains, la jeune femme découvre à vingt-deux ans la danse urbaine, par hasard. Étudiante en anglais à Lyon, elle découvre sur le parvis de l’opéra, le Krump, sa gestuelle qui part du haut du corps, dont chaque mouvement est ancré dans le sol contrairement au hip-hop. C’est le coup de foudre. Elle passe de l’autre côté du miroir, se trouve une nouvelle famille, une communauté. Elle regagne la capitale, s’investit totalement dans ce nouveau champ artistique. Très vite, sa plastique androgyne, sa vitalité, sa virtuosité sont repérées. Choisie par le chorégraphe contemporain Heddy Maalem, elle participe à l’aventure d’Éloge du puissant royaume. Sa carrière est lancée.
S’essayant à l’écriture, elle navigue à travers les médiums, explore toutes les pistes, toutes les formes d’expressions, se nourrit de l’esthétisme de David Lynch, de la photographie de Nan Goldin, entre autres. Cultivant une allure d’amazone, elle libère à travers une gestuelle affûtée, une rage intérieure.
Le Krump, donc, dont elle est une des figures, s’avère au fondement de Cellule, ce solo endiablé et furieux, mais très vite Nach n’en garde que des motifs, les frissons qui parcourent son être, les mouvements saccadés du buste pour mieux s’en affranchir et laisser libre cours à sa grammaire intime et singulière. Irradiant l’espace, elle frappe du poing les airs, transcende le clair-obscur qui habille l’espace de bout en bout, et laisse exsangue le spectateur qui a bien du mal à reprendre son souffle. De la violence à la grâce, il n’y a qu’un pas que la danseuse franchit.
Cellule de Nach. Le 22 juin au Zef – Scène nationale de Marseille, dans le cadre du festival de Marseille.