Catherine Blondeau, directrice du Théâtre du Grand T à Nantes, est une passionnée de l’Afrique. Présentant la version nantaise des Récréâtrales, prestigieux festival consacré à la création scénique de l’Afrique de l’Ouest, elle publie aussi Blanche, récit singulier sur son rapport à l’Afrique. Rencontre.
C’est vraiment votre installation en Afrique du Sud qui vous a fait prendre connaissance de votre couleur de peau comme vous le racontez dans ce récit autobiographique qu’est Blanche ?
Oui ! J’ai grandi en province, je n’avais aucune conscience de ce que signifiait être blanche. Je n’avais jamais eu auparavant cette expérience étrange, si fréquente pour les personnes noires, d’être essentialisée ! Savoir que je peux être perçue comme blanche a été une expérience fondatrice, qui s’est ensuite liée par toutes mes lectures.
En quoi les penseurs du monde noir vous aident-ils à comprendre votre blancheur ?
Je les ai beaucoup lu et continue de les lire et de les enseigner. La pluralité des voix m’intéresse. Mon rapport au monde est toujours passé par la fiction. Elle permet d’apprendre les nuances, d’être au plus près de la complexité du monde et des âmes.
Est-ce qu’à la façon d’Aimé Césaire, qui avait trouvé le « nègre profond » au terme d’une grande introspection, vous avez trouvé la « blanche profonde » ?
Effectivement je me livre dans Blanche à un exercice de pastiche de Césaire dans Cahier d’un retour au pays natal. Cela donne ce texte, « moche » où j’écris le pire de ce que la domination blanche a pu produire dans l’histoire. Mais la méthode Césaire ne fonctionne qu’avec les dominés ! Aborder ces auteurs et leurs livres est une façon d’exprimer ma gratitude. J’espère donner envie de les lire. Des auteurs comme Césaire et Labou Tansi sont très souvent totalement méconnus en France, y compris chez les grands lecteurs !
Cette envie de les faire mieux connaître est aussi théâtrale. Les Récréâtrales de Ouagadougou, à la fois laboratoire d’écriture, de création et de formation, est l’évènement théâtral le plus prestigieux d’Afrique de l’Ouest. Quelle forme prend votre partenariat dans le cadre d’Africa 2020 ?
Sept jeunes seront invités pour une formation en trois ans aux métiers de la régie du spectacle, à Nantes, Maputo et Ouagadougou. J’ai proposé à Aristide Tarnagda (metteur en scène burkinabè et directeur des Récréthéâtrales, ndlr) que l’on élabore ensemble la programmation. Notamment pour inviter des artistes d’Afrique qui ont déjà été programmés aux Récréâtrales comme Que ta volonté soit Kin de Sino Aanza (RDC) ou Les Enfants hiboux ou les petites ombres de la nuit de Nakpane Basile Yawanké (Togo) par exemple. D’autres artistes seront présents comme Victor de Oliveira qui monte Incendios d’après Wadji Mouawad avec des comédiens du Mozambique. Il y aura une rencontre avec Kossi Efoui (Togo) animée par Kouam Tawa (Cameroun), un rallye de lecture avec des textes de Penda Diouf (France/ Côte d’Ivoire/Sénégal) de Sinzo Aanza (RDC) et Souleymane Bah (Guinée, Prix Théâtre RFI 2020). On a rarement la possibilité de présenter des auteurs et des metteurs en scène d’Afrique sans que cela soit dans un registre tragique ou folklorique. C’est l’objectif des Récréâtrales. Cette très belle opportunité exprime également la tentative d’être à l’endroit où veulent être les artistes du Continent aujourd’hui.
Blanche, Catherine Blondeau, éditions Mémoire d’encrier, 248p., 19€
Edition nantaise des Récréâtrales de Ouagadougou, Théâtre du Grand T à Nantes, du 22 juin au 2 juillet 2021. Retrouvez toute la programmation en suivant ce lien.