Le chorégraphe et danseur mozambicain Panaibra Gabriel Canda est invité au Festival de Marseille. Il y présente Time and Space : The Marrabenta Solos et Bordelines, deux spectacles qui l’ont fait connaître dans le monde entier.
Pour connaître Panaibra Gabriel Canda, il faut avoir vu Borderlines : dans ce spectacle viscéral et puissant, il fait vivre les corps des danseurs en proie à la mémoire de la guerre civile du Mozambique. Cette histoire de la violence, incarnée dans la peau des dix danseurs sur scène, a notamment fait de lui un des chorégraphes africains les plus plébiscités en Europe. Avant, il y eut Time and Space : the Marrabenta Solos, seul sur scène, accompagné d’un musicien, l’extraordinaire guitariste Jorge Domingos, il s’empare, physiquement et oralement, de l’histoire du Mozambique, de la guerre à la fragile démocratie, de ses liens avec l’Europe à sa volonté d’indépendance. Panaibra Gabriel Canda, dans son minimalisme, n’a jamais cessé de se passionner pour l’histoire de son pays, et les drames qu’il a traversés.C’est à Maputo que Panaibra Gabriel Canda a grandi. Son père était guitariste et chanteur : « il y a de la musique partout au Mozambique, dans les transports, les conversations de tous les jours, les gens discutent et écoutent en parallèle de la musique, très fort », me raconte-t-il. Pourtant, ce n’est pas la musique qu’il étudie en premier mais le théâtre. Mais il s’en détourne, fasciné par la danse. « C’est un tel sentiment de liberté ! Les corps chantent, parlent, résonnent. La danse permet peut-être de s’affranchir davantage que le théâtre où on est entouré par le carcan du texte et les personnages ».
Il s’initie aux danses traditionnelles du Mozambique, très codifiées. Il décide d’explorer d’autres espaces, part étudier à Lisbonne. « Avec Vera Montero, Francisco Camacho, la danse contemporaine portugaise était en plein essor », dit-il. Il y fait ses premières créations puis revient à Maputo. « C’était plus pertinent : j’ai plus de matériaux pour observer la société sur laquelle je travaille et monter mes projets », m’explique-t-il. Car depuis 1998, Panaibra Gabriel Canda est l’infatigable directeur artistique de Cultur Arte, première compagnie de danse contemporaine du Mozambique, qui est aussi un lieu international de formation à la danse. Malgré une absence cruelle de moyens, « il y a toujours d’autres priorités sur l’agenda du gouvernement », me glisse-t-il, il convie des artistes d’Allemagne, d’Afrique du Sud ou de Madagascar pour faire découvrir leurs esthétiques aux futurs chorégraphes mozambicains. Panaibra Gabriel Canda s’attache aussi à travailler avec des danseurs handicapés. Comme l’extraordinaire Maria Tembe, amputée des jambes, dans Bordelines. Lorsque je lui demande pourquoi, il sourit : « comment parler de l’exclusion, si je ne pratiquais pas l’inclusion ? ». Ses spectacles émeuvent des spectateurs dans le monde entier. « Quand on aborde l’esclavage, la colonisation et la liberté, cela ne concerne pas seulement un pays ». Une universalité qu’il conquiert à merveille.
Time and Space : the Marrabenta Solos, de Panaibra Gabriel Canda, Festival de Marseille, 29 et 30 juin, Vieille Charité.
Borderlines, Panaibra Gabriel Canda, Festival de Marseille, mardi 6 et mercredi 7 juillet, Théâtre Joliette.
Pour plus d’informations, https://www.festivaldemarseille.com