Amoureux des interactions entre musique, théâtre et cinéma, Mathieu Bauer crée Buster, un « ciné concert performé » d’après La Croisière du Navigator (1924) de Buster Keaton, où deux jeunes gens se retrouvent, malgré eux, sur un paquebot à la dérive.
Buster n’est ni un ciné concert, ni une performance. De quoi s’agit-il donc ?
Le cinéma hante mon travail depuis longtemps. Et cela faisait des années que j’avais très envie de faire une forme de ciné concert, d’inventer une partition musicale et de la jouer, avec Sylvain Cartigny, tout en y ajoutant d’autres formes. Lorsque j’ai eu l’opportunité de créer La Croisière du navigator, j’ai demandé à Stéphane Goudet, directeur du cinéma Méliès à Montreuil, également maître de conférences en cinéma, d’imaginer un objet qui donnerait des clés de compréhension et d’analyse tout en laissant aux spectateurs la possibilité d’embarquer dans le film. J’ai aussi eu envie de faire des zooms, des ralentis, des séquences parallèles, etc. Et de générer une tension, à travers une évocation de Buster Keaton sur scène, avec le circassien, fildefériste Arthur Sidoroff.
Le choix d’un circassien m’étonne. Les films de Keaton, c’est presque de l’anti-cirque, le cirque est dans la vie quotidienne.
C’est vrai que cela peut sembler incongru (Rires). Ce n’est pas un double de Keaton. Par sa silhouette, ses qualités acrobatiques, l’équilibriste génère de l’émerveillement. Sa présence contribue aussi à « l’écoute du muet » (Rires). Lui-même essaie de trouver sa place avec le conférencier, le film et la musique.
D’où vient la musique que vous jouez en direct ?
Exception faite d’un clin d’œil aux Beatles et d’une chanson évoquée dans le film, ce sont des compositions originales de Lawrence Williams, polyinstrumentiste très talentueux, de Sylvain Cartigny, avec lequel je travaille depuis longtemps, et de moi-même.
Pourquoi La Croisière du Navigator ?
Alors que nous étions confinés, la dérive des personnages résonnait étrangement avec notre époque. Et la rencontre amoureuse de ces aristocrates oisifs, qui se construit à partir d’un postulat gaguesque me plaisait énormément. Je suis touché par ces personnages amenés à apprendre à vivre avec des outils sortis d’un autre âge.
Convoquer un universitaire, de la musique, un circassien, est-ce un moyen de rendre plus présent un réalisateur dont certains films ont 100 ans ?
Peut-être…Le temps de la représentation est très présent, c’était nécessaire d’ajouter des éléments théâtraux en lien avec le film et la musique.
Pourquoi ce film nous parle-t-il toujours ?
Je l’ai vu plus de 30 fois et j’en ris encore ! (Rires) Je suis émerveillé par les rires communicatifs qu’il déclenche, notamment chez les enfants. C’est un peu un cliché mais ce cinéma fait écho à l’enfant présent en nous. C’est un magnifique cinéaste, doté d’un sens du tempo, du cadrage et de l’écriture extraordinaire. C’est un feu d’artifice d’inventions ! Keaton, c’est l’homme de la foule, lambda, en prise avec le monde. Son personnage, confronté à la menace de machines trop grandes qu’il finit par dompter, est aussi un peu comme nous cherchant un nouveau lien à la nature.
Buster de Mathieu Bauer, du 16 septembre au 09 octobre au Nouveau théâtre de Montreuil.
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