Aux Célestins-théâtre des Lyon, Claudia Stavisky, directrice des lieux, monte en ouverture de saison, Skylight de David Hare. En plongeant dans cet univers digne de Ken Loach, elle crée une pièce sensible et très engagée. Rencontre.
Qu’est-ce qui vous a donné envie de monter Skylight de David Hare ?
J’ai rencontré cette pièce au moment de sa création dans les années 1990 à Londres. J’ai eu un vrai choc. Le texte est resté dans mes désirs de metteuse en scène. Régulièrement, je revenais dessus, sans trouver le bon moment pour le monter. Le hasard et la nécessité des programmations ont fait, qu’enfin, il y a eu comme une évidence. En 2015, les dirigeants du Shanghai Dramatic Arts Center (SDAC), m’ont invité à travailler avec les artistes de la troupe permanente autour de Blackbird de David Harrower. Fort heureux de cette première collaboration, ils m’ont demandé une liste de pièces que j’aurais envie de monter. Skylight m’est alors revenu en tête. Quelques mois après, ils m’ont proposé de le mettre en scène. J’étais très surprise, car cette pièce, à mon sens, est profondément européenne dans sa manière d’aborder les conséquences sociales du capitalisme sauvage. Elle n’avait pas forcément de résonances dans la société chinoise. Ils m’ont très vite rassurée. L’expérience a été incroyable tant les acteurs, formés surtout à l’opéra traditionnel chinois, ont su s’adapter parfaitement à une dramaturgie occidentale. En rentrant en France, devant mon enthousiasme, Pierre-Yves Lenoir, qui a été bluffé lorsqu’il a vu la pièce à Shanghai, m’a encouragée à la monter ici, aux Célestins. Pour lui, c’était maintenant ou jamais.
Qu’est-ce qui vous touche dans son écriture ?
C’est assez viscéral, je crois. David Hare fait partie de ses auteurs anglo-saxons qui ont beaucoup travaillé pour la télé, le cinéma, et qui ont acquis cette qualité extraordinaire de savoir s’adresser au commun des mortels de la façon la plus simple possible, pour faire passer la plus grande complexité. Sa plume vive nous entraîne au plus près des personnages. Elle dissèque les ravages du capitalisme sauvage sur chacun d’entre nous. L’autre grande force de ce texte, c’est sa contemporanéité. Cette réflexion sur le démantèlement du service public, qui était une des conséquences de la politique thatchérienne dans les années 1980-1990 en Angleterre, résonne furieusement avec ce que nous vivons aujourd’hui en France. On est au cœur même de ce qu’aborde David Hare dans Skylight. Par ailleurs, il y évoque une formidable histoire d’amour entre deux êtres que la vie a séparé. Et le processus d’émancipation d’une femme, sa lutte permanente pour se détacher de tous les clichés dans lesquels elle a été élevée, ne pouvait que m’interpeller.
Comment avez-vous choisi les comédiens ?
J’ai besoin d’acteurs qui soient extrêmement physiques et organiques, qu’ils aient une virtuosité excessive à passer d’une émotion à l’autre. Patrick Catalifo, avec qui j’ai déjà travaillé, s’est immédiatement imposé à moi pour incarner le rôle de Tom, ce « Tapie » de la restauration, cet homme parti de rien et qui a construit un empire. Pour le rôle de Kyra, jeune femme luttant pour son indépendance, je cherchais une comédienne qui ait une puissance incroyable, un volontarisme inné, une sincérité et une innocence absolue. Et j’ai clairement retrouvé tout cela en Marie Vialle. Enfin pour le fils, Sacha Ribeiro, que j’ai connu quand il était élève au conservatoire de Lyon, il était parfait pour jouer cet enfant en révolte contre son milieu.
Skylight de David Hare. Mise en scène de Claudia Stavisky. Jusqu’au 3 octobre 2021 aux Célestins théâtre de Lyon.
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