Danses contemporaine et urbaine, enchantées par d’improbables musiques scénographiques : Avec Les Autres, le directeur sortant du CCN La Rochelle retrouve son regard émerveillé d’antan.
De ses premiers pas de jeunesse, dans une école de cirque à Saint-Priest aux portes de Lyon jusqu’à la direction d’un Centre Chorégraphique National (CCN), le parcours de Kader Attou fait rêver plus d’un dans les cités. Avec Mourad Merzouki, il fonde en 1989 la compagnie pionnière Accrorap. Ensemble, les deux vont préparer le terrain pour l’explosion artistique de cette danse urbaine, l’ouvrant à la rencontre avec tous les univers esthétiques et musicaux. En 1996, Merzouki crée sa propre compagnie, mais Attou et lui restent complices, poursuivant chacun une carrière exemplaire. Et si Merzouki voit toujours un peu plus grand dans les mises en scène, festivals ou structures qu’il crée, son petit complice y va avec un complément en chaleur humaine. Directeur du CCN La Rochelle depuis 2009, Attou a ses atouts. Aussi sait-il créer de beaux événements comme en 2019 quand il présente, avec l’Orchestres des Champs-Elysées, Un Break à Mozart face à la Pyramide du Louvre. Cette pièce, comme une série d’autres dont Opus 14 et The Roots, sont de véritables ballets à partir de la danse break, si caractéristiques de sa période rochelaise. La création de Les Autres marque aujourd’hui la fin de cette aventure puisque Attou doit, selon les règles d’usage, quitter la direction du CCN à la fin de l’année. Est-ce un hasard s’il revient à un style plus narratif et théâtral, somme tout assez proche de Petites histoires.com, spectacle créé en 2008 juste avant de prendre la direction du CCN ? Voilà qu’une boucle est bouclée, et Les Autres est donc son cadeau d’adieu, son bouquet final, avant de passer à de nouvelles aventures.
Les Autres, ce sont deux danseuses contemporaines, trois danseurs venant du hip-hop et du cirque et deux musiciens des plus singuliers. Au sein de ce septuor se crée un chassé-croisé romanesque d’une délicieuse désuétude, où l’on se croit au XIXe siècle dans une pièce de Tchekhov ou un roman de Flaubert. D’images sépia aux ambiances surréelles et parfois inquiétantes, Attou se révèle en enchanteur visuel et véritable poète de la scène. Aussi nous entretient-il de notre rapport aux autres, qui sont autant ceux qu’on désire que ceux qu’on craint, mais dont on ne peut se passer. Leur consacrer cette pièce d’adieu, c’est bien sûr aussi dire la difficulté à vivre dans un monde confiné et l’importance vitale du lien qu’on entretient avec eux, parfois malgré soi. Les musiciens et leurs instruments, avec leurs présences, énigmatiques mais parfaitement intégrées, sont le symbole parfait de cette relation, si richement ambivalente. L’improbable duo musical se compose du Cristal Baschet de Loup Barrow, avec son clavier de cristal et ses feuilles d’acier diffusant le son, et de Grégoire Blanc au Thérémine, instrument électronique précurseur inventé il y a un siècle, où le son est produit par le geste délicat des mains, sans jamais toucher l’instrument. Sur scène ils sont autant observateurs que devins, narrateurs ou personnages de ces micro-histoires chorégraphiques et acrobatiques, où Attou tourne la nostalgie en enchantement.
Les Autres de Kader Attou, Sceaux, Théâtre Les Gémeaux, du 3 au 5 décembre
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