Entre littérature, danse, théâtre et arts plastiques, l’édition 2022 du festival marseillais offre une programmation particulièrement copieuse et variée, comme l’explique son directeur Hubert Colas.
Une Angela Merkel plutôt enveloppée maintenant en équilibre sur sa tête une périlleuse accumulation de rochers. Telle est la figure cocasse par quoi s’ouvre Le Périmètre de Denver, spectacle solo où Vimala Pons éblouit par sa capacité à conjuguer art du récit, prouesses circassiennes, sens plastique et transformisme dans ce qui ressemble à une complexe intrigue policière mais s’avère en même temps d’une étonnante richesse polysémique. En témoigne l’effeuillage auquel se livre sa Merkel, enlevant couche après couche des vêtements pour se retrouver bientôt dans le plus simple appareil en une parfaite allégorie à la fois du mensonge et de la vérité comme dévoilement.
Programmé dans le cadre d’Actoral, ce spectacle est emblématique de l’esprit du festival où pendant un mois Marseille vibre au rythme du monde et de créations où se croisent les disciplines les plus diverses : théâtre, danse, performance, arts plastiques, littérature… La liste des œuvres invitées cette année est particulièrement copieuse. De This Song Father Used to Sing (Three Days in Mays) du dramaturge et metteur en scène thaïlandais Wichaya Artamat dont c’est la première venue en France à la Trilogie des identités, triptyque du metteur en scène et cinéaste suédois Marcus Linden en passant par The Third Reich, création de Romeo Castellucci, accueilli pour la première fois à Actoral.
Quand on lui demande ce qui justifie ses choix de programmations, Hubert Colas, fondateur et directeur du festival, évoque d’abord l’importance de la rencontre. « Ce qui m’anime en premier lieu, c’est l’échange d’humain à humain avec les artistes. La singularité de leur démarche m’intéresse, comment leur travail opère une forme de dévoilement qui suscite une plus grande perception de la vie, de notre rapport au monde. Quelque chose qui ne soit pas dans l’air du temps, ni dans l’imitation de ce qui a été fait par nos aînés. Miet Warlop, par exemple, invitée cette année, est une artiste que nous suivons depuis ses débuts. » Cette singularité, on la retrouve dans Out of Blue de Silke Huysmans et Hannes Dereere où le couple évoque les enjeux problématiques des forages en mer. Dans un tout autre registre, Seek Bromance de Samira Elagoz retrace son histoire d’amour avec le plasticien Cade Moga, avec à la clef une analyse très personnelle des questions liées à l’identité de genre et la transition du masculin au féminin. Le festival fait aussi la part belle aux auteurs comme le Canadien Antoine Charbonneau-Demers invité à faire entendre ses textes avec le soutien du vidéaste César Vayssié. Le poète Victor Malzac ou le romancier Oscar Coop-Phane feront leurs premiers pas au festival. Tout comme l’actrice et performeuse Kayije Kagame qui présentera Intérieur vie / Intérieur nuit. Ou encore les danseurs et chorégraphes cubains Lazaro Benitez, Ricardo Sarmiento et Luis Carricaburu. « A Marseille et à Berlin, leurs spectacles évoquent leurs situations d’artistes en exil, explique Hubert Colas. J’aime beaucoup leur exubérance, leur enthousiasme qui réveillent un peu notre lassitude d’Européens déprimés. Pour moi l’intérêt d’Actoral c’est face au discours ambiant qui tend à endormir ou à culpabiliser de montrer des spectacles qui réveillent nos consciences et bousculent nos habitudes en nous insufflant quelque chose de leur vitalité. »
Festival Actoral, du 9 septembre au 9 octobre à Marseille