À la Galerie Jean Fournier, Fabienne Gaston-Dreyfus se déleste de ce qui pourrait entraver un geste créatif et nous livre ainsi ses récentes gouaches sur papier.
Fabienne Gaston-Dreyfus (1960) explore les voies de la peinture dont elle suit les cours sinueux, esprit tendu et main guidée par les potentialités d’une recherche à la fois matérielle et gestuelle, lesquelles ne pourraient advenir sans une sensation de liberté. Cette dernière rime d’ailleurs avec une légèreté, soit une disponibilité de tout instant aux pouvoirs de l’absorbement, à cet humble abandon des habitudes elles-mêmes sédimentées dans les replis de l’intériorité. Pour ce faire, l’artiste a délaissé l’usage de la main droite, jugée trop rationnelle et trop autoritaire, au profit de la gauche, celle où la pensée se délie et relie, lui permettant alors de s’affranchir de ses précédents acquis. Car de manière progressive, Fabienne Gaston-Dreyfus se déleste des carcans, c’est-à-dire des bagages intellectuels passés, des enseignements trop encombrants. Apprivoiser la peinture conduit ainsi à l’ouverture et les œuvres de l’artiste matérialisent alors un état d’être au monde tout comme un engagement physique, lequel ces dernières années serait chorégraphique. Fabienne Gaston-Dreyfus se réfère d’ailleurs volontiers au Butô, danse née au japon dans les années 1960 où le refus de l’anticipation favorise néanmoins l’expression d’une direction, mais aussi celle d’une intuition. Dans les gouaches sur papier présentées à la galerie Jean Fournier, le sens de la matière picturale suit ici un élan vif, tout en fulgurance : Fabienne Gaston-Dreyfus y fixe la fraîcheur du geste sans pour autant la figer. De celui-là, elle n’en affirme pas tant l’empreinte que la forme dont il est porteur. Ses interventions au pinceau empruntent alors le cheminement d’un mouvement affirmé qui, dépourvu de toute timidité, souligne sur le papier l’élision d’une multitude de parcelles colorées : l’œil s’attarde sur l’indécision de leurs frontières tout comme sur les étonnantes transitions qui les nouent. La gouache se fait ainsi parturiente, presque organique, et l’artiste de créer des espaces mouvants, territoires flottants, lesquels se superposent en de multiples tonalités, toutes baignées de vibrations vaporeuses, lumineuses, à la force parfois centrifuge. Si l’harmonie rythmique des accords chromatiques manifeste ainsi le dynamisme d’exécution, les moyens picturaux, quant à eux, ne répondent non pas à une fin, mais bel et bien à une nécessité. Car dans cet examen singulier des ressources de l’expression picturale, les repentirs ne sont présents que pour pointer les manipulations successives, soit les temps qui les ont vues affleurer, puis se déposer à la surface dans un enchevêtrement de touches chatoyantes et d’aplats colorés. Un magnétisme enveloppe ces derniers, il les aimante et les contracte, il les dilate et les rétracte, porté par un jeu plastique toujours mobile duquel n’est pas exclu le privilège fragile d’un équilibre suspendu. Celui d’une couleur en expansion, dont Fabienne Gaston-Dreyfus se fait la brillante interprète.
Voyager léger, exposition personnelle de Fabienne Gaston-Dreyfus à la Galerie Jean Fournier, du 10 septembre au 5 novembre. www.galerie-jeanfournier.com