Aux Célestins, pour sa dernière création en tant que directrice des lieux, Claudia Stavisky adapte La Trilogie de la villégiature de Goldoni et invite à un voyage au cœur de l’Italie des années 1950.
Qu’est-ce qui vous a donné envie de monter une pièce de Carlo Goldoni ?
Depuis mon arrivée au Théâtre des Célestins, j’ai toujours eu le besoin d’alterner écritures contemporaines et textes du répertoire. S’il est indispensable de faire découvrir de nouveaux auteurs, il est aussi essentiel de continuer à mettre en lumière les œuvres patrimoniales, de les éclairer d’un nouveau regard influencé par les périodes que nous traversons. Comme le disait si justement Vitez, un théâtre doit être le laboratoire des formes et le conservatoire de la langue. C’est une idée à laquelle j’adhère. C’est en tout cas ce que doit être à mon sens une maison telle que Les Célestins, un lieu où l’on doit faire en permanence des allers-retours entre notre histoire et aujourd’hui. Dans ma quête de texte à monter, Goldoni, tant par son écriture que par sa personnalité, un révolutionnaire du théâtre à son époque, s’est imposé. Je cherchais une pièce de troupe, une pièce qui habite un grand plateau. J’avais besoin de retrouver les sensations de vertige, de virtuosité, de voir un grand nombre d’acteurs raconter une vraie saga populaire. Par ailleurs, en ces temps moroses, j’avais envie d’aller vers la comédie, vers cette forme de théâtre qui nous procure à la fois la possibilité de réfléchir au monde qui nous entoure, tout en permettant un apaisement du cœur par le rire. Écrite juste avant qu’il ne quitte Venise pour Paris en 1762, La Trilogie de la villégiature réunissait tous ces éléments. Pour l’anecdote, mes choix étant très intuitifs, il s’avère que mon premier spectacle en tant que directrice des Célestins, était La Locandiera. Ainsi, j’ai l’impression d’avoir achevé une boucle.
Comment s’est opéré le casting des treize comédiens qui peuplent le plateau de cette comédie douce-amère ?
Comme d’habitude, en piochant à la fois parmi les acteurs, que je connais, des compagnons de route de longue date, et des artistes que j’ai vus sur scène, qui m’ont touchée mais avec lesquels je n’avais pas eu encore l’occasion de travailler. L’important était de m’entourer de comédiens agiles. Goldoni, c’est de la haute voltige, c’est très athlétique. Les mécanismes de la comédie sont d’une précision quasiment d’horloger.
Pourquoi avez-vous adapté ce texte très XVIIIe siècle dans l’Italie des années 1950 ?
Tout simplement parce que ce théâtre-là parle d’une période de très grand changement, et Goldoni a nourri ses pièces de l’émergence d’une nouvelle classe, la bourgeoisie, pour qui le paraître est plus important que l’être. En voulant à tout prix copier les comportements de l’aristocratie sans en avoir les codes, les usages, les moyens matériels, culturels et humains, ils cherchaient à profiter des mêmes plaisirs quitte à se rendre un brin ridicule, sans même réussir à en jouir. Dans les années 1950, avec la fin de la guerre, les trente glorieuses et l’arrivée des congés payés, on observe un même phénomène, avec l’apparition des classes moyennes. C’était donc pour moi la période la plus proche de nous, qui pouvait correspondre à ce que remet en cause avec causticité Goldoni dans sa pièce.
La Trilogie de la villégiature de Carlo Goldoni, mise en scène de Claudia Stavisky, du 20 septembre au 9 octobre aux Célestins, théâtre de Lyon
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