La galerie Christian Berst présente les architectures cosmiques sacrées de l’artiste uruguayen Alexandro García.
Des lignes géométriques construisent des espaces entrelacés aux perspectives multiples associant architectures futuristes inspirées des édifices précolombiens, éléments naturels, êtres venus d’ailleurs, fourmillement d’évènements, le tout se déployant dans un espace infini harmonieux, lumineux… En vrai médium, Alexandro García retranscrit ses visions transmises par des êtres venus d’ailleurs rencontrés enfant. Avec minutie et entêtement, à l’encre de Chine, à la pointe Bic ou au feutre, l’artiste dessine un univers constitué d’une multitude de mondes aux couleurs chatoyantes, parfaitement organisés jusqu’à l’excès. Les motifs simples et les saynètes se répètent, tels des mantras, jusqu’à recouvrir totalement l’espace de la feuille pour ne laisser aucune place au vide, si ce n’est celui de l’espace intersidéral. « Cette mécanique formellement implacable trahit une vraie fragilité touchante, car elle montre une personne qui s’est désinhibée avec les moyens à sa disposition », témoigne Christian Berst. Le galeriste découvre il y a une quinzaine d’années les œuvres d’Alexandro García par l’intermédiaire de Pablo Thiago Rocca, directeur du musée Figari à Montenegro en Uruguay. « Artiste autodidacte, jardinier, il incarnait ce Sentiment océanique formulé par Romain Roland au début de siècle, un sentiment d’appartenance au grand tout, capable de canaliser les messages cosmiques qu’il restituait ensuite. Il était tout à fait le genre d’artiste que j’aimais montrer et sa méticulosité et sa précision étaient assez remarquables. »
Dans la mythologie individuelle d’Alexandro García apparaissent des allusions formelles à sa culture précolombienne, elle-même constituée de récits mythiques ayant une relation particulière avec l’au-delà. Un lien transparaît aussi avec la culture contemporaine latino-américaine, même si l’artiste ne semble pas s’y intéresser. « Les œuvres d’Alexandro García s’ancrent dans la réalité pour ensuite s’en échapper, un mouvement caractéristique du Réalisme magique, explique Christian Berst. En littérature, je pense à Juan Rulfo, Jorge Luis Borges ou Gabriel García Márquez, avec ces incursions d’une dimension qui nous extrait de la réalité avec un naturel désarmant. Je vous recommande la lecture des nouvelles complètes de Julio Cortázar ». La provenance surnaturelle de l’art de García permet aussi de créer des ponts avec l’art médiumnique ou spirit art du début du XXe siècle, d’une Hilma af Klint ou d’un Augustin Lesage. « Produit dans des états de conscience modifiée, sorte de transe, cet art représente l’impalpable, l’invisible, tandis que les artistes ne sont que les instruments de puissances tutélaires, poursuit Berst. Les premiers prosélytes de ces artistes furent les Surréalistes. En 1933, André Breton publiait dans la revue Minotaure Le Message automatique, son admirable essai qui permit la reconnaissance de ces pratiques ». Les représentations psychédéliques d’Alexandro García, télescopages de cultures et de temps, sans début ni fin, appellent au plaisir d’en scruter chaque détail.
Alexandro García. Galerie Christian Berst. Jusqu’au 20 novembre.