Magnifique livre historique et familiale que cette brève libération, de Félicité Herzog. Indispensable.
Voici déjà dix ans que Félicité Herzog publiait Un héros. Le premier livre très remarqué qu’elle avait consacré à la figure de son illustre père, Maurice Herzog. Un homme qui avait été pilote d’avion, résistant, avait gravi l’Annapurna, été ministre du général de Gaulle. On trouvait également dans ces pages un fin portrait de sa mère, Marie-Pierre, issue d’une illustre famille française, qui avait épousé clandestinement en première noce un jeune survivant et héros de la Résistance du nom de Simon Nora. Marie-Pierre et Simon sont à nouveau aujourd’hui au cœur d’Une brève libération. La jeune fille que l’on retrouve ici à quinze ans en 1940. L’époque est pour le moins complexe. « La France des Ombres succédait à celle des Lumières », écrit Félicité Herzog. Marie-Pierre évolue dans un milieu aisé dont la vie mondaine a conservé son rythme de croisière malgré l’occupation allemande. L’hôtel particulier familial du cours Albert-1er est resté un endroit où l’on se presse. Parmi les invités, citons Arletty et Coco Chanel. Les écrivains Paul Morand, le « Little Boy » cosmopolite, Pierre Drieu La Rochelle, Emmanuel Berl ou Paul Valéry. Le père de Marie-Pierre accède au titre de treizième duc de Brisac. Sa mère, quant à elle, s’intéresse mollement à leur fille. Une demoiselle, bien trop rebelle à leurs yeux, qui s’amuse à déjouer leurs plans. Epouser le prince Rainier de Monaco ne l’intéresse nullement. Lorsque Jean d’Ormesson lui demande sa main, le futur académicien essuie un refus. Marie-Pierre a compris que son salut passait par le savoir et buche sa licence d’histoire. Les idées politiques de ses géniteurs ne sont pas les siennes. L’homme qu’elle aimerait, elle a décidé qu’il serait « le plus orgueilleux, le plus vivant, le plus affirmatif » possible… En parallèle, le lecteur accompagne la route de Simon, fils aîné du docteur Nora. Garçon au tempérament déterminé, celui-ci se dit plus français que juif et ne se sent à sa place nulle part. Encore moins dans un Paris occupé et régi par les statuts publiés par le gouvernement de Vichy. Après avoir rejoint la zone libre, Simon étudie le droit à Grenoble, rejoint le maquis en 1943, se passionne pour la philosophie. Il a l’âme d’un meneur, une intelligence affûtée, une aisance verbale impressionnante, une envie d’en découdre et de la chance, qui lui permet d’éviter le pire dans le Vercors. À l’automne 1945, il est reçu au concours d’entrée de la toute nouvelle Ecole Nationale d’Administration. Un an plus tard, au printemps, un condisciple lui présente une certaine Marie-Pierre qui officie en tant que rédactrice au ministère des Affaires Etrangères. La jeune femme est comme frappée de plein fouet par cet « ange masculin »… Félicité Herzog tire le meilleur parti d’un récit romanesque. Il faut dire que ses deux protagonistes ne manquent pas de caractère et de détermination. Et que ni l’un ni l’autre n’acceptent que l’on s’oppose à leur amour.
Félicité Herzog, Une brève libération, Stock, 351 p., 20, 90 €