Ainsi, Bertrand Kern, le maire de Pantin, a décidé de rebaptiser sa ville Pantine pendant un an pour « l’égalité entre les femmes et les hommes ». C’est sûr que cette renomination féminine va déclencher illico l’égalité des salaires, stopper net les féminicides, les viols ou les violences conjugales, mettre fin au patriarcat. Les mollahs iraniens en tremblent déjà. On n’arrête pas le progrès. Pardon, la progresse, n’est-ce pas, Berthe Kerne ? Pantin, Pantine, pour nous cinéphiles, c’est le festival Côté court, qu’il faudra rebaptiser Côtée courte ? Pour s’y rendre, on prendra toujours la ligne 5 de la toile métropolitaine (la métro, quoi). Puis on ira gaiement à la festivale de la cinéma de Lyonne, peut-être de Maconne, et à Cannes bien sûr (ah, là, pas besoin de rajouter un « e », le nom Cannes semble fémininement correct). Mais si jamais la maire de Caen décidait de s’engouffrer dans la brèche de Pantine et d’organiser une festivale internationale de la cinéma de Caenne, bonjour la confusion. En attendant, je trouve que Berthe Kerne est bien timide dans sa volonté messianique de promotion de l’égalité hommes-femmes et de lutte contre le patriarcat. Il faudra aller beaucoup plus loin et retitrer aussi les films : Tchaha Pantine, La Valse des pantines, La dînette de connes, Une femme et une femme (chabadabada)… Puis renommer les cinéastes : on ira voir des rétrospectives de Jeanne Renoire, de Mauricette Pialate, de Françoise Ozone ou de Quentine Tarantina (notons qu’en vo, Quentin se prononce Kwentine, merci la langue anglaise pour son féminisme version Kerne). On n’oubliera pas au passage de brûler l’effigie de Georges Pérec : l’impudent masculiniste avait eu l’audace d’écrire La Disparition, une romane privée de la lettre « e » ! Un tour de force linguistique, peut-être, mais surtout un véritable crime de lèse-néoféminisme.
Souvenons-nous, en 2014, Riad Sattouf, pardon Riada Sattouffe (euh, désolée, c’est sa vraie matronyme, pas une galéjade sur la pubisse des femmes) avait signé une satire politique qui s’intitulait Jacky au royaume des filles. La pitche ? Dans la République populaire et démocratique de Bubunne, les femmes commandent et travaillent alors que les hommes restent au foyer et sont soumis au désir des femmes. Via cette comédie au trait volontairement épais, Sattouffe entendait brocarder les dictatures de toutes obédiences, les sociétés ultrapatriarcales dont il avait connu une version concrète avec la Syrie, pays de son père. À l’époque, on s’était dit « ok mais il y va un peu fort, Riad, pardon, Riada, son retournement homme-femme est trop simpliste, ubuesque, manichéen ». Depuis sont passés sous les ponts de la doxa sociétale de nos démocraties l’écriture inclusive (bonjour Orwell), la mise au ban de l’hétérosexualité, la négation de la « binarité » homme-femme (qui entre en contradiction avec le féminisme, allez comprendre), la suspicion de l’homme blanc de plus de 50 ans (qui entre en contradiction avec le concept de fluidité des genres, allez comprendre), les barbecues virilistes, la présomption de culpabilité instituée aux César, les couves de Libé niveau presse de caniveau, les « on vous croit » qui remplacent les « on ne sait pas et on attend le travail de la justice pour savoir », les attaques contre la biologie, les maths, le droit, les Lumières et l’universalisme, le néoféminisme institué nouveau sceau du Bien tamponné à toutes les sauces, et maintenant donc, petite cerise orwellienne sur le gros gâteau, Pantin-Pantine… C’est l’époque qui est devenue simpliste, ubuesque, manichéenne. Bon, Pantin-Pantine, c’est dérisoire, microcosmique, anecdotique, certes, mais ça résume bien l’esprit du temps. Et puis d’ailleurs, à partir de quelle règle Kerne peut-elle certifier que Pantin est masculin et Pantine féminine ? Pantin, ça rime bien avec les féminins catin ou putain, alors que Pantine, ça rime avec crétine, certes, mais aussi avec Poutine (pas franchement une femme ni une féministe, me semble-t-il). Bref, l’Absurdistan de la République de Bubunne, on commence à l’entrevoir réellement, de même qu’on voit le travail du temps sur les œuvres : Jacky au royaume des filles sera passé en neuf ans de pochade hénaurme à film annonciateur d’une époque. Une époque qui fait un peu mal au crâne et commande de faire des réserves d’aspirin. Pardon, d’aspirine.