L’auteur et comédien Julien Gaillard investit La Colline, et invite à la poésie, à travers différentes propositions chaque soir.
Quelle est la genèse de Poèmes ! ?
Il y a de cela, plusieurs années, après avoir luun de mes textes, La Maison, Wajdi Mouawad a souhaité me rencontrer. Il voulait programmer le spectacle. Comme je ne souhaitais pas le mettre en scène, car je revendique et défends le fait que je suis un auteur avant tout, en 2018, il a proposé la pièce à Simon Deletang, qui, dans la foulée, a accepté. C’est ainsi que des échanges réguliers entre nous ont débuté. Aimant à soutenir les artistes au long cours en présentant au moins deux de leurs œuvres, il a eu très tôt l’idée de monter une autre de mes pièces, sommeil du fils. Le covid a eu raison de ce projet. En 2021, je lui ai envoyé L’envol, un récit qui s’inspire de l’univers des jeux vidéo, avec le secret désir de l’éprouver au plateau, de me confronter à la mise en scène. Au fur et à mesure des discussions, je me suis rendu compte, que j’avais envie d’aller plus loin, de déborder du plateau, de créer autour du spectacle quelque chose de plus vaste, notamment autour de la poésie, de la manière de la dire, de l’écouter, de la diffuser. Confronter l’écriture poétique au plateau est quelque chose qui me questionne depuis longtemps. Cela a plu à Wajdi, qui m’a donné son accord pour tenter l’expérience et mettre en place des soirées qui seront constituées de différentes propositions allant du spectacle à la performance, en passant par des ateliers et des rencontres entre artistes et public.
Concrètement, en quoi consistent ces manifestations ?
Avec Héléne Bensousan, que j’ai rencontré lors des Traversées de l’été du TNS, dont elle était la coordinatrice, nous nous sommes inspirés de ces moments suspendus où rien n’était formel, où le théâtre n’était plus vu comme une institution mais comme un espace ludique de tous les possibles, où chacun pouvait s’en emparer à sa guise, échanger avec l’autre. De cette idée, en partenariat avec tous les salariés du lieu de la billetterie à l’administratif en passant par la technique, nous avons imaginé des rendez-vous divisés en plusieurs parties. Il y a un prologue, différent chaque soir, au cours duquel je présenterais le projet, des impromptus, des ateliers pour les plus jeunes, des lectures de poèmes, dont certains sont distribués sous forme papier. Le plus souvent, nous jouons Last Level, nom définitif de la pièce que j’ai écrite pour la jeune troupe du théâtre de la Colline et qui est une déclinaison collective de L’Envol. Mais certains jours, j’ai invité d’autres troupes, trois en l’occurrence, à jouer leur création, très distinctes les unes des autres. L’objectif est vraiment de multiplier les entrées, de permettre à des publics très variés de se croiser. En sortant un peu le théâtre de sa forme la plus solennelle – la salle modulable pourra changer au fil de la soirée, un bar y est installé pour l’aspect convivial, etc- nous cherchons un moyen de fournir à tout un chacun des outils pour aborder la poésie, le spectacle vivant, le processus créatif. Dans cette optique, avec Wajdi, nous avons imaginé une politique tarifaire exceptionnelle et attractive. À partir de la deuxième venue, les billets seront à 5 euros.
En parallèle au TNS vient de se jouer Grand Palais, la pièce que vous avez écrite à quatre mains avec Frédéric Vossier, qui évoque l’histoire d’amour chaotique entre Francis Bacon et son amant George Dryer…
C’est une expérience incroyable d’entremêler deux styles très différents. L’idée vient de Frédéric (Vossier). Depuis longtemps, il avait envie d’écrire sur ce drame de l’histoire de la peinture contemporaine, le suicide de Georg Dryer, muse de Bacon, à deux jours de la première rétrospective française consacrée à ce dernier. Après avoir vu justement à la Colline, La Maison, qu’il a beaucoup appréciée, il est venu me voir en me demandant si je connaissais l’œuvre de Bacon et si cela pouvait m’intéresser d’écrire une pièce sur lui. Il s’avère qu’adolescent j’ai découvert ses tableaux, qui m’ont clairement retourné la tête et m’ont donné l’envie de peindre et de faire les beaux-arts. L’aventure était lancée, à moi d’imaginer les mots de Bacon, à lui d’écrire ceux de Dryer, ou comme il le dit si bien, à moi le fameux, à lui l’infame. Nous avons ainsi à partir d’une trame précise construit un dialogue par mails interposés entre l’artiste qui perd pied et le modèle qui par-delà la mort se reconstruit. Une expérience passionnante !
Poèmes ! une manifestation conçue par Julien Gaillard, au théâtre national de la Colline, jusqu’au 15 avril.
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