Le Musée du Quai Branly accueille, en provenance du National Museum of Australia, une exposition didactique enseignant le regard sur les peintures aborigènes.
Des points, des cercles et des lignes colorés, une surface saturée de motifs, un rythme entraînant, telles apparaissent à l’œil non averti les peintures aborigènes. Elles peuvent recouvrir une toile, un morceau de bois, une poterie, mais toujours cette même profusion de signes a priori abstraits. Pourtant d’abstraction il n’est ici pas question. Pour réaliser ces peintures, les artistes puisent dans la topographie de leur région, rivières, montagnes, champs, elle-même issue des récits mythologiques. Les représentations entretiennent ainsi un lien direct avec la vie culturelle et quotidienne des artistes. L’exposition se focalise sur l’un des rites fondateurs aborigènes, celui des Sept Sœurs. Ces dernières durent fuir un homme qui voulait les marier, leur père selon certains. Suite à un long voyage de l’ouest à l’est des déserts australiens, elles s’envolèrent, formant ainsi les sept étoiles que l’on nomme ici Les Pléiades. Chaque étape de ce périple est racontée par les anciens, possesseurs des savoirs culturels, sous la forme de danses, de chants ou de peintures. Les Songlines, ou chants des pistes, transférées ici en peinture, guide les pas des membres des communautés à travers les territoires, annonçant les points d’eau, les dangers, les aliments à apprécier dans les bush tels les fourmis à miel peintes sur l’une des sept céramiques exposées. Tout en partageant les valeurs, de génération en génération, dont l’interdit de l’inceste ou la persévérance.
Afin de se représenter physiquement cet exode, l’exposition plonge les visiteurs dans l’obscurité, tandis qu’apparaissent 200 peintures et objets créés par la centaine d’artistes issus des déserts de l’ouest australien. Des projections vidéo au mur, au sol et sur un dôme de 7m de haut permettent de découvrir les danses, performances et peintures réalisées dans les territoires par les aînés pour cette exposition. « Nous avons rassemblé, pour les exposer ici, le chant, l’histoire et les peintures imprégnés de ce Tjukurpa, le Rêve de création des Sept Sœurs. Nous voulons montrer cette histoire majeure afin que beaucoup d’autres personnes puissent la voir, apprendre et que leur compréhension des choses s’accroisse. Tout le monde, quelle que soit sa couleur de peau, peut venir, voir et comprendre. Cela sert à éduquer nos enfants, nos petites-filles et nos petits-fils et permet à notre culture de rester forte. C’est pour cela que nous organisons cette exposition », expliquait l’artiste Inawinytji Williamson en 2017, lors de la mise en place de cette exposition du National Museum of Australia réalisée en étroite collaboration avec des « commissaires » aborigènes, « propriétaires et gardiens des sites et des histoires » précise Margo Neale, commissaire générale de l’exposition et du musée.
L’exposition, tout en permettant de voyager dans l’univers esthétique foisonnant des artistes aborigènes, permet de conserver et faire perdurer les récits et pratiques culturels auprès des plus jeunes générations et à l’international. L’art comme moyen de transmission des savoirs.
Songlines. Chant des pistes du désert australien. Du 4 avril au 2 juillet. Musée du Quai Branly.