Cinq ans après sa rétrospective au Centre Pompidou, Franz West revient à Paris, cette fois chez David Zwirner. Des œuvres réjouissantes, participatives et assez radicales pour avoir inspirés de nombreux artistes.
Des sculptures blanches en papier mâché à la texture grossière et aux formes difficilement identifiables, un canapé en acier recouvert d’un tapis persan usé, un autre installé sur une planche de bois tachée de peinture non loin d’un minibar alien, des collages grotesques, l’art de Franz West exposé à la galerie Zwirner à Paris est libre, drôle et irrévérencieux. Il prête à sourire voire à rire du bien fait, du bon goût, des clichés publicitaires des années 80. On se met à apprécier les vertus du moche, du mal fait. On s’assoit sur des fauteuils faits maison pour feuilleter des livres de philosophie disposés dans des socles devenus bibliothèques surmontés de sculptures, entre art et design. On aimerait se servir un verre sur le canapé du fond en observant les quatre têtes burlesques échappées d’un carnaval tyrolien. Si les œuvres ne peuvent plus être manipulées, en raison de leur fragilité et du marché, elles semblent avoir eu une vie mouvementée, faite de rencontres multiples et de discussions emportées. Elles furent imaginées par l’artiste autrichien à partir des années 70, réalisées souvent en collaboration avec son entourage, les uns dont l’artiste Heimo Zobernig construisant les socles, les autres dont le peintre Albert Oehlen les recouvrant de peinture, tandis que les derniers disposent une Passtücke sur leurs têtes, sirotent du Curaçào (1996) ou se dissimulent derrière le Paravent (1982) pour pisser. La vie donc, palpable, qui laisse d’ailleurs ses traces. Franz West réfléchissait au rôle de l’art, à la fonction des sculptures. Ses Passtücke des années 70-80 furent conçues comme des créations manipulables, tandis qu’il réalisa, à partir de 1986 des œuvres mobiliers permettant d’interagir non plus avec le résultat mais avec les visiteurs. Il s’opposait ainsi à l’idée de l’autonomie de l’art. Chez Franz West, les œuvres existent parce que des gens les utilisent activement, s’étonnent de ces formes grossières roses trônant au milieu de la place Vendôme, en place des hommages aux grands hommes. À partir des années 2000, l’artiste se mit à créer des œuvres monumentales investissant l’espace publique : une plateforme finissant en pissotière pour admirer le paysage naturel, une crotte de nez géante rose lancée là, au croisement de deux chemins, un étron et des verres de terre rose installés devant des institutions. En 2011, il recevait le Lion d’or de la Biennale de Venise pour l’ensemble de sa carrière. Son art était une « réponse gaie et ludique à l’actionnisme viennois » radical et violent qui avait marqué la scène artistique autrichienne des années 60 et 70, écrivit la galeriste Bärbel Grässlin dans le catalogue de la rétrospective de l’artiste organisée en 2018 par le Centre Pompidou. Il fut essentiel à la naissance de l’esthétique relationnelle des années 1990 dont l’ambition était de créer des espaces sociaux. Et à l’image de l’artiste franco-américain Robert Filiou qui voulait que l’art soit « ce qui rend la vie plus intéressante que l’art », les sculptures de Franz West sont salutaires tout en ouvrant l’esprit, avec intelligence.
Franz West. Galerie David Zwirner, Paris. Jusqu’au 13 avril. www.davidzwirner.com