Rencontre avec Jean-Paul Montanari, à la tête de Montpellier Danse depuis quarante ans, qui nous décrit ce que nous réserve cette 43ème édition.
Vous présentez des créations d’artistes connus comme Mathilde Monnier ou à découvrir comme Pierre Pontvianne, mais poursuivez aussi de longs compagnonnages avec Boris Charmatz, Kader Attou ou David Wampach…
Quand je crois en un artiste, comme dans le passé Dominique Bagouet, Trisha Brown ou Raimund Hoghe, je l’invite comme on lit chaque nouveau volume d’un écrivain qu’on aime. Et peu à peu mon amour se transmet au public qui se met à apprécier son écriture en profondeur. Mais il va de soi que je présente sans cesse de nouvelles figures qui vont peut-être rentrer dans le cercle. Je crois que j’ai toujours procédé de la sorte, seulement c’est peut-être plus lisible en 2023 où une grande partie de la programmation se tisse autour de la question de la mémoire, avec le retour de pièces fondatrices de Gallotta et de Bagouet, deux figures clés de la nouvelle danse française des années 1980.
Comment réagit le public ? N’est-il pas avant tout attiré par la nouveauté ?
Nous sommes très étonnés. En dix jours, nous avons vendu quasiment 90% des places disponibles. Je n’ai jamais perçu un tel besoin d’art vivant. Et surtout, le public ne semble pas bouder les reprises de spectacles déjà présentés à Montpellier Danse, bien au contraire !
Le festival est donc solide comme un roc, dans la tempête mondiale actuelle ?
Bien au contraire. On prend aujourd’hui toute la mesure de notre fragilité face aux guerres, à la situation climatique etc. Et pourtant, les artistes peuvent encore apporter quelque chose aux individus dans leur construction, alors que tout est devenu spectacle, la politique incluse. Nous avons d’autant plus besoin d’eux, que tout est devenu spectacle. Mais c’était annoncé de longue date. J’étais un fervent lecteur de Debord et de sa réflexion sur le spectacle, idée que j’ai appris à décoder autour de moi. Car depuis bientôt un demi-siècle la notion d’œuvre et donc d’auteur glisse vers le spectaculaire.
Que pouvez-vous opposer à cette tendance ?
Heureusement il reste quelques artistes comme Nacera Belaza par exemple, qui continuent à bâtir des œuvres. Mais je constate qu’on va aujourd’hui à la première d’un spectacle dans l’idée d’un événement. Quand je repense à la première d’Einstein on the Beach par exemple, nous avions l‘impression d’être face à une œuvre d’art faisant avancer la vision des formes. Aujourd’hui n’est-on pas face à un objet qui relève du marché de l’art ou du spectacle ?
Dans ce contexte, il est intéressant que vous proposiez par exemple le Slow Show de Dimitri Chamblas, qui démontre dans l’espace public la possibilité d’aborderl’individu dans son contexte relationnel à l’autre, à l’espace et au temps.
C’est ce qu’on espère en tout cas. Que les artistes puissent apporter une alternative au monde de fureur qui nous envahit, entre autres à travers la télévision. C’est en ce sens qu’il faut continuer à faire des festivals. La question est de savoir comment, et on s’interroge sur leur forme future, moi comme d’autres directeurs actuels, plus jeunes, qui viennent d’arriver.
Montpellier Danse, du 20 juin au 4 juillet.
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