Prix Transfuge du meilleur roman lusophone, Misericordia raconte la fin de vie d’une vieille dame en maison de retraite. Un bijou stylistique.
« Je ne sais pas où mettre mes pensées qui sont beaucoup trop vastes pour le vase de ma tête et la taille de mon cœur. » Maria Alberta, la narratrice de Misericordia est de celles dont on ne tisse pas habituellement des héroïnes : il s’agit d’une vieille dame, qui termine sa vie au sein d’une maison de retraite. Et pourtant, sous la plume de l’immense romancière portugaise Lídia Jorge, le quotidien de Maria Alberta raconté au fil d’une année donne lieu à une traversée poétique éblouissante. À travers elle, surgit le microcosme de la maison de retraite, ses tragicomédies et ses déchirures. L’extérieur se taille une place dans l’institution, des problèmes des travailleurs immigrés à la crise du Covid. Maria Alberta observe, et s’agrippe à chaque miette de présent avec une puissante volonté d’en extraire le sel. Le goût du merveilleux et des mystères trouve son chemin dans l’austérité des jours. « Ma vie est devenue riche parce que je vis la richesse de ceux qui s’approchent, bien que parfois leurs vies soient aussi tristes. Mais la richesse et la tristesse vont même parfois ensemble. » L’autrice du Vent qui siffle dans les gruesou de L’Estuaire entremêle les voix et les destins avec virtuosité dans ce roman semé de brefs poèmes. Elle livre un condensé de son art poétique : une volonté d’embrasser l’humaine condition, avec un regard empli de douceur envers les âmes vulnérables, et une foi inébranlable envers la fiction. Car après tout, « l’au-delà est un livre. »
Entretien à retrouver dans le N°172, disponible en version numérique et en version papier
Misericordia, Lidia Jorge, traduit du portugais par Elisabeth Monteiro Rodrigues, Métailié, 414 p., 22,50 €