Biographie définitive du grand écrivain américain Robert Penn Warren, où l’on découvre avec précision qui se cachait derrière le prolixe romancier aux trois prix Pullitzer.
La vie fait parfois prendre d’étranges chemins. Robert Penn Warren (1905-1989) doit sa carrière d’écrivain au fait d’avoir perdu un œil. Le gauche, endommagé par un morceau de charbon à peu près gros comme une balle de base-ball lancé par son frère de dix ans. Ce qui l’a contraint à abandonner l’idée d’entrer à l’Académie navale, à se tourner vers l’université Vanderbilt pour y devenir, pensait-il, ingénieur chimiste. Notre homme a laissé une œuvre copieuse de près de cent volumes couvrant à peu près tous les genres. Trois fois couronné par le prix Pulitzer, adapté au cinéma par Robert Rossen et Raoul Walsh, l’auteur des Fous du roi, de Rendez-vous dans la clairière, de La grande forêt, et du Cavalier de la nuit récemment réédité par Séguier reste pourtant relativement méconnu en dehors de sa patrie d’origine. Déjà biographe de William Faulkner, Joseph Blotner lui a consacré un fort volume qui devrait permettre d’éclairer encore le personnage et sa bibliographie. « L’éminent homme de lettres américain, le maître des genres, le prodigieusement créatif » Robert Penn Warren avait jadis donné un entretien fleuve à la Paris Review. Décrit par ses interlocuteurs comme un « homme blond-roux au regard pétillant », il expliquait face à un verre de pastis essayer d’écrire des histoires qui retiennent son attention, « des histoires dans lesquelles les problèmes semblent se présenter plus nettement qu’à l’ordinaire ». Brillant élève et sportif, accompli comme l’explique Joseph Blotner, « Red Warren s’est d’abord intéressé à la lecture lorsqu’il était un étudiant boursier… Des années après avoir tenté de se suicider en inhalant du chloroforme dans une serviette, ce féru de la prose élisabéthaine et des poètes modernes fit ses débuts de romanciers. Au début des années 1930, écrire constituait pour Penn Warren un complément financier à l’enseignement. Ses nouvelles trouvent preneuses, ses romans essuient des refus. Il continue vaille que vaille. Une bourse Guggenheim lui permet de plonger dans les recherches pour un long roman situé dans le Sud profond des années 1920. Le manuscrit du Cavalier de la nuit demanda des coupes mais parut finalement en mars 1939 chez Houghton Mifflin avec un tirage de cinq milles exemplaires. Il n’allait ensuite jamais mollir, alterner pièces de théâtre, recueils de poésie, nouvelles et romans, en montrant une vitalité débordante, même pendant ses vacances ou ses séjours à l’étranger. Atteignant les plus hauts sommets avec Les Fous du roi« son œuvre individuelle la plus frappante, et son effort le plus approfondi, son travail le plus suivi pour accomplir ce que Faulkner appelait « la perfection rêvée » », selon Joseph Blotner. Dans la Paris Review, Robert Penn Warren expliquait encore qu’il cherchait à découvrir dans le passé « ce qu’il y a de valable pour nous en lui, cette ligne de continuité jusqu’à nous et à traversnous ». Il y est parvenu avec maestria.
Joseph Blotner, Robert Penn Warren une biographie, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Thibaut Matrat, Séguier, 879p., 29,90€. Plus d’informations