Couronnement d’une carrière dévouée au même motif, l’artiste nîmois défendu par la galerie Daniel Templon, est cet hiver célébré dans trois lieux hexagonaux. Portrait d’un obstiné dans la poursuite du même geste séminal. Magnifique.
À Nîmes, Rome est partout, ou presque. Ce n’est pas seulement l’empereur Antonin le Pieux qui vous salue du haut de son socle à deux pas de la Maison carrée mais aussi, plus vivant et beaucoup moins grandiloquent, Claude, vénérable souverain de l’art, 87 ans, visage large et sage surmonté de cheveux blancs évoquant le metteur en scène de théâtre Georges Wilson, pour ceux qui s’en souviennent. Quomodo tempus transit…Fatigué mais toujours vaillant, Viallat me reçoit chez lui, à Nîmes, à l’occasion de sa première grande exposition personnelle au Carré d’Art, « c’est la première fois que ce lieu accorde autant de place à un artiste », m’annonce le peintre alors que nous parcourons les salles avant de nous précipiter chez lui pour nous entretenir. Précipiter n’est pas un verbe utilisé ici à contre-emploi tant ce vieil homme robuste aux mains impressionnantes de manuel aguerri, trottine à vive allure dans les rues sans se soucier au moment de traverser des voitures lancées à vive allure. Est-ce parce que chacun est censé reconnaître le maître de la cité et se plier à sa conduite pédestre des plus véloces ? Claude Viallat, élue l’une des dix personnalités les plus importantes de la ville. L’un des derniers monstres sacrés vivants de l’art hexagonal hausse les épaules : « on m’a dit ça au sujet de ma popularité nîmoise, je crois qu’on m’ignore plutôt et heureusement d’ailleurs sinon ça serait insupportable… » L’empereur Claude part de son grand sourire muet qui ponctue souvent ses sorties à l’accent chantant, lorsqu’il parle, car chez lui les mots sont comptés, un laconisme qui n’a rien de l’arrogance mais plutôt d’une tranquille acceptation de sa propre parole comme quelque chose de secondaire. Chez cet artisan, seule semble compter, à côté de la vie de famille et de la fréquentation d’amis, mordus des arènes comme lui, ou anciens du groupe Supports/Surfaces, comme lui également, seule semble compter la mise en pratique quotidienne depuis une soixantaine d’années, d’un même geste sur lequel nous reviendrons plus loin. Car, entre-temps, nous avons fini par parvenir sains et saufs chez Viallat et son épouse, Henriette, petite dame charmante, venue nous saluer. C’est dans un ancien relais de poste, devenu plus tard une menuiserie, que vit et travaille sept jours sur sept, matin et après-midi, ce stakhanoviste de la création peu adepte des trente-cinq heures, des arrêts maladie pour surmenage et des jours de congé intempestifs. Dans la grande pièce faisant office d’atelier principal, règne un indescriptible fouillis de chiffonnier qui aurait donné le tournis au père de l’artiste, notaire de son état, qu’on imagine droit dans ses bottes et dans ses dossiers. Erreur ! Claude Viallat le méridional règne sur ses amas de tissus et de cartons comme le plus méticuleux des archivistes prussiens, capable de me montrer d’un index assuré, les années de création correspondant aux piles de toiles réalisées et pliées sur la mezzanine faisant office de réserve.
L’article complet est à lire dans le N°174, disponible en version numérique et en kiosque/ librairie