Charles Dantzig revient avec un roman fantaisiste, Paris dans tous ses siècles. Un vrai régal.
Avant de découvrir « la plus harmonieuse architecture de la terre », l’arrivée à Paris par le boulevard périphérique serait « mesquine et décevante ». C’est du moins ce qu’affirme une mouette à l’oeil topaze à l’ouverture du nouveau roman de Charles Dantzig. Un volume où l’on ne doit pas s’étonner de croiser d’autres animaux dotés de parole : un teckel à poil ras prénommé Guillaume, un chat baptisé Xanax en Bastet appréciant à se laisser aller ça et là à une vie de racaille, un moineau et une foulque, des pigeons et des colombes. Parmi les invités à cette délicieuse déambulation contemporaine, il faut également citer Victor Vonnevy. Un écrivain dont le premier livre s’intitulait Dernière ville avant la fin du mondeet le plus récent, qui ne s’est pas bien vendu, Place de l’Estrapade. En panne d’inspiration, Victor ne croit pas en Dieu, lit Rock & Folk, achète encore des disques de Iggy Pop et Creedence Clearwater Revival, apprécie la vodka et les chansons « rêveuses, froissées » d’Etienne Daho, trouve que le monde est mené par l’émotion. Tous les jours, à la charnière du matin et du soir, celui-ci téléphone à son amie Gabrielle Mattromer. Une femme chez qui tout est concerté. Une galeriste qui le fait rire, lui donne l’impression d’évoluer dans un monde « plus authentique, plus léger » et allège la lourdeur d’une époque où selon lui « l’esprit s’enfuit de Paris comme une strip-teaseuse dans un congrès de talibans ». N’oublions pas de mentionner Irène et Victorien, les enfants respectifs de Gabrielle et de Victor, jeunes gens très fréquentables et cultivés. Ou encore Wilson, qui loue pour une fortune une chambre de bonne au septième étage près du boulevard Bessières à la frontière septentrionale de la ville dont la maire a pour nom Khadija comme la femme de Mahomet. Voici un garçon de vingt et un ans venu du Brésil où il dit ne jamais retourner, amateur de macédoine de légumes et capable de passer deux heures à lire à la FNAC. Wilson étudie à l’Institut français de gastronomie, monnaie ses charmes à ses clients en ayant bien conscience que « le sexe est une comédie qui ne dépasse pas le temps de la transaction ». Tout à la fois chroniqueur, peintre et moraliste, conteur érudit jamais avare d’anecdotes, Charles Dantzig promène ses lecteurs dans les rues d’un Paris qui a tant changé mais dont les antiques façades ont conservé leur beauté et leurs mystères. Un Paris avec ses trottinettes électriques et ses Starbucks, mais aussi ses nombreux ponts et son fleuve qui le traverse en son milieu. Avec ses « hivers froids et pluvieux » et ses « geysers de canicule l’été ». La capitale de la patience, comme la surnomme joliment l’un des protagonistes de la ronde. En chemin, Charles Dantzig se montre un guide caustique ou mélancolique. Ce qui fait toute la saveur de son enlevé Paris dans tous ses siècles.
Charles Dantzig, Paris dans tous ses siècles, Grasset, 372p., 22€, plus d’informations