Pour son troisième long métrage, Brigitte Sy signe avec Le Bonheur est pour demain, un magnifique film carcéral, autour d’amants empêchés.
Avec Le Bonheur c’est pour demain, la cinéaste Brigitte Sy signe un film de bande et de contrebande. Elle nous offre une romance drôle et amère, telle une chanson de Pierre Perret arrangée aux films noirs, en compagnie de sa belle-fille, Laetitia Casta, une actrice-jumelle, Béatrice Dalle, et son petit-fils, Azel. Sophie (L. Casta) sort avec une petite frappe minable, José, avec lequel elle a un petit garçon, Rocco. Une nuit dans un bar de Roubaix, survient Claude (Damien Bonnard) et ce gars-là est différent de tous ceux qu’elle a connu. Le coup de foudre est presque immédiat. Claude est libre, il va et vient, il est doux et mystérieux. Avant de repartir, il lui confie un trésor, une émeraude qu’elle devra lui restituer lorsqu’il reviendra. Le braquage dans lequel il s’est embarqué tourne mal et il retourne à la case prison. Sophie n’a cure des obstacles et elle poursuit son histoire d’amour malgré les murs de la prison, malgré les gardiens, les fouilles, les barreaux et malgré José qu’elle abandonne. Elle est absolue, veut le bonheur tout de suite. Santa Rita, la madone des causes perdues, veille sur son amour aussi bien que sur Lucie (B. Dalle), la mère de Claude, condamnée par le VIH. La passion de Sophie se communique au spectateur à travers une mise en scène énergique et un montage sec. Les plans et les surcadrages qui enferment les personnages pour leur laisser de petits points de fuite sont d’une élégance rare. Auparavant, perruquée de rouge, Sophie abandonne sa coupe très graphique pour retrouver un naturel et une fraîcheur qui s’évanouissaient, s’étiolaient au contact de José. Sa métamorphose est radicale, vitale même. Le bonheur de la cinéaste de filmer les amants empêchés se communique au spectateur. Sy les dirige à l’instinct et la joie des corps ne cesse de parcourir le film. Lorsque l’on voit le couple Casta-Bonnard se former, on sent les corps vibrer. La limite du jeu et de la fiction semble ténue et c’est ce qui est si séduisant ici. Tout est dramatisé et pourtant criant de vérité. Habité, incarné. Brigitte Sy approche sa caméra tout près des personnages, elle leur colle à la peau.
Le film tient le fil jusqu’à bout sans pathos ni hurlement, mais il y a de la chair, de l’amour et du chaos. On danse, on boit, on s’aime avec pudeur et fureur. Les flics sont caricaturaux, soit benêts, soit odieux mais c’est qu’ils incarnent le camp ennemi, au même titre que l’institution et la loi en général. Dès son premier long métrage, Les mains libres (2010), Brigitte Sy racontait une histoire d’amour en milieu carcéral. C’était un récit intime, autobiographique. Ici, la réalisatrice s’est nourrie à la source personnelle tout en la tenant à distance, en confiant le rôle de la mère à une autre, Béatrice Dalle, qui a connu les affres de la passion et de l’évasion et surtout en écrivant le récit d’une autre. Dans cet écart, elle a trouvé un souffle qui donnent à cette œuvre une puissance.
Le Bonheur est pour demain de Brigitte Sy (France, 2023) avec Laetita Casta, Damien Bonnard, Beatrice Dalle, Paradis Film, en salle dès le 31 janvier