La Fondation EDF réunit 23 artistes émergents et établis pensant l’inaction collective face à la crise écologique. Intelligent et inspirant.
Des hommes en costume se noient dans un jardin zen. Un gilet de sauvetage se pare d’une cravate. Ne rien lâcher. Demain est annulé… à la Fondation EDF à Paris s’ouvre avec humour sur un constat : difficile d’agir face à la crise environnementale. Neil Beloufa sculpte un assemblage de voitures embouteillées à partir d’emballages de la grande distribution. L’œuvre aux couleurs vives, rétroéclairées pour révéler la beauté de la résine époxy, raconte la mondialisation et l’enfermement. Le duo prospectif Art Orienté Objet grave l’histoire de l’humanité et de son effondrement sur une pierre à destination des civilisations futures. Prémonition ? L’artiste zimbabwéen Moffat Takadiwa répond avec espoir à cette sculpture en transformant en oeuvre d’art des déchets occidentaux récupérés en Afrique. Un art de l’upcycling pour « Réparer le futur », comme l’écrit RERO sur l’une de ses peintures. L’exposition se focalise ensuite et surtout sur les remèdes à la crise. Elle s’appuie sur les œuvres joyeusement ambivalentes de 23 artistes contemporains mais aussi sur l’expertise scientifique. « Depuis 2020, explique Nathalie Bazoche, responsable du développement culturel de la Fondation EDF et commissaire artistique, nous proposons des expositions liées à des sujets de société. Nous nous associons à des commissaires scientifiques afin de penser ensemble les thématiques et de sélectionner les artistes repérés au préalable. »
Chacune des trois sections centrales de l’exposition est introduite par une courte interview vidéo éclairante d’un expert. Yamina Saheb, ingénieur, docteure en énergétique et coautrice du rapport du Giec, explique les liens entre la solidarité internationale et la sobriété en introduction de la section « Un monde pour tous ». Pour proposer un regard artistique sur ce thème, les commissaires présentent un des travaux emblématiques de l’Américaine Mierle Laderman Ukeles. En 1977, cette artiste avait en effet serré la main de 8500 éboueurs new-yorkais. Un hommage à ceux qui soignent et nettoient. Dans la performance Re-spect exposée ici sous forme de vidéo, cette même artiste organise un ballet de camions d’entretien de la ville de Givors. Ses actions soulignent l’importance du soin nécessaire à nos environnements. Aux côtés de cette vidéo, la photographie de Leandro Erlich témoigne elle aussi d’une action urbaine. En 2015, à Karlsruhe, l’artiste argentin suspend à une grue une maison aux racines végétales apparentes. Selon le regardeur, les interprétations de cette œuvre peuvent être multiples. L’installation peut se référer au déracinement de certains habitants suite à de futurs projets de transformation urbaine. Elle peut représenter l’importance de l’appartenance à un lieu, les liens indéfectibles entre un habitat, ses habitants et son environnement naturel. Ou, encore, comme pour Nathalie Bazoche, illustrer l’omniprésence de nos racines malgré les déplacements imposés ou volontaires.
La section suivante, nommée « Terre d’esprits », présente certains remèdes envisagés par des artistes pour nous reconnecter à la nature. Rita Alaoui part sur les traces de sa grand-mère guérisseuse. Elle se filme en train de préparer une mixture à base de feuilles de henné qu’elle s’applique ensuite sur le corps. L’artiste mongole Odonchimeg Davaadorj dessine à l’encre rouge des femmes plantes, tout comme l’artiste angolais Franck Lundangi peint des êtres mi-humains, mi-animaux, mi-végétaux. La troisième section de l’exposition présente les avantages écologiques du progrès, en atteste le projet taïwanais Jade Eco Park. Reconnu pour sa pratique de ce qu’il nomme architecture météorologique, Philippe Rahm a pensé un ensemble de structures et de plantations favorisant la création d’une oasis de verdure et de fraîcheur dans une région chaude et polluée. « Le changement climatique nous oblige à repenser profondément lʼarchitecture et à déplacer notre intérêt dʼune approche purement visuelle et fonctionnelle, à une approche plus sensible qui sʼattarde dʼavantage sur les paramètres invisibles et climatiques de lʼespace » s’expliquait-il au micro de France Inter en 2020. « Demain nous appartient », conclusion de l’exposition, rassemble de nouveaux imaginaires pour sortir des représentations dystopiques dans laquelle nous plonge la société actuelle. Hicham Berrada souligne la beauté de la nature avec sa vidéo tournée dans le parc floral de Vincennes, au milieu des pissenlits. Jisoo Yoo prône la mixité avec son installation interactive à expérimenter à plusieurs pour mélanger ses pixels. Joachim Bandau invite à la méditation face à son Black watercolor. Et Art orienté Objet décrit les règles d’un Slow Art. Une exposition qui incite à se questionner, évite tout manichéisme, à travers une sélection pointue d’œuvres ambivalentes.
Demain est annulé…Fondation EDF, Paris jusqu’au 29 septembre, plus d’informations