Le musée de l’Orangerie consacre une exposition majeure à l’artiste américain Robert Ryman, célébré pour ses tableaux blancs à l’esthétique épurée et au format carré.
Peintre d’un seul sujet, à savoir la peinture, Robert Ryman (1930 -2019) compte parmi les artistes pour lesquels l’expérience directe du tableau, irréductible à la reproduction, s’avère essentielle. Se destinant à l’origine à la musique, et plus particulièrement au Jazz, c’est au début des années 1950 qu’il réalise ses premières toiles lorsque, installé à New York, son emploi de gardien au MoMa lui offre une fréquentation directe avec les chefs-d’œuvre de la peinture du XXème siècle. Au début des années 1960, l’artiste américain adopte le format carré, lequel autorise l’atteinte d’une impeccable neutralité : « espace idéal », il permet de structurer le champ pictural pour parfaire l’équilibre de la composition, excluant alors tout souci lié à la recherche de proportion. Pareillement, dès ses premières œuvres, le blanc occupe une place presque exclusive : « C’est une couleur neutre, qui permet une clarification des nuances dans la peinture. » aimait-il d’ailleurs affirmer, avant de préciser : « elle rend les autres aspects de la peinture visibles, qui ne seraient pas si clairs avec l’usage d’autres couleurs. ». Dépourvu de toute fonction idéologique ou bien symbolique, le blanc est alors utilisé comme un véritable instrument. Car le refus de la représentation, mais aussi l’extrême autonomisation du tableau, inscrit en effet la démarche de Robert Ryman dans la continuité de la pensée de Clement Greenberg et de l’axe réflexif de la modernité, où la peinture réfléchit pour elle-même et se prend pour sujet. À partir de 1965, dans un mouvement parallèle à celui du minimalisme auquel il fut trop souvent assimilé –Sol LeWitt et Robert Mangold tissèrent avec Ryman de profondes amitiés- l’artiste commence à travailler par grandes séries. Ryman apporte une attention particulière à la relation du tableau au mur et, au milieu des années 1970, il conçoit des attaches visibles dans la composition, lesquelles retiennent la surface de l’œuvre à celle de la cimaise. Ces dernières prennent des formes et des couleurs variées, tout comme les matières qui les composent cadmium, aluminium, bois et acier oxydé : avec elles, le blanc s’affirme dans toute sa matérialité.
Comme Monet avant lui, Ryman concentre ainsi ses recherches, de façon presque obsessionnelle, sur les spécificités propres à son médium. Expérimentateur inlassable, il démontre que ses choix réduits au chromatisme blanc et au format carré font part d’une inépuisable fécondité, laquelle s’exprime sur des supports variés – coton, carton, lin, cuivre et acier – et varie selon la facture du blanc utilisé, mat ou brillant, opaque ou transparent, appliqué en glacis ou en pleine pâte, en une ou plusieurs couches. La peinture s’offre dans sa plus simple épure et interroge alors chacun des aspects de la toile et de ses fondements, articulés autour de la surface, de la structure, de la lumière et de son mouvement, à la faveur d’une expérience sensorielle empreinte d’illumination… tout comme de ravissement.
Robert Ryman. Le regard en acte , Musée de l’Orangerie du 6 mars au 1er juillet.