Emmanuel Villin, avec Kim Philby et moi, entreprend un voyage au Liban sur les traces de Kim Philby, mystérieux agent secret du M16. Une enquête pretexte à une quête personnelle.
Ancien élève de l’université de Cambridge où il était entré en 1929, Harold Philby défraya jadis la chronique. En rejoignant, douze ans après eux, ses camarades Guy Burgess et Donald MacLean à Moscou. Né en 1912 au Punjab, surnommé Kim par son père Harry St John en hommage à Rudyard Kipling, Philby avait été correspondant du Times, de l’Economist et de l’Observer. Dès 1940, il avait été un agent des Services de renseignement britanniques, dirigeant même le réseau U.R.S.S. Du MI6 tout en trahissant les intérêts de son pays. Ce personnage étrange et romanesque qui fut le plus célèbre agent double du XXe siècle se trouve aujourd’hui au cœur du nouveau livre d’Emmanuel Villin. Lequel revient ici sur le jeune homme qu’il fut. Un enfant de la guerre froide fasciné par John McEnroe et les Beatles, par les espions et les journalistes. Un garçon marqué comme toute une génération par ceux qui furent kidnappés et retenus en otages du Liban dans les années 1980. Un pays où l’auteur de Sporting Club et de La fugue thérémine avait des attaches familiales. Devançant l’appel du service national, le jeune Emmanuel se retrouva promu sous-lieutenant et envoyé au Proche-Orient, à Beyrouth, avec un passeport de service. Chargé d’y enseigner le français à ses frères d’arme, marins contraints de rester à terre, en prenant soin de dissimuler son aspiration pour le domaine de l’espionnage à ses supérieurs. Une occupation qui lui laissait le temps d’explorer plus amplement le parcours de Kim Philby. Lequel, nous dit-il, expédie ses années libanaises dans un épilogue de quatre pages à la fin de ses mémoires, Ma guerre silencieuse, préfacées par son ami Graham Greene. L’intrépide sous-lieutenant se lance rapidement sur les traces du chaméléon Philby. En allant d’abord traîner ses guêtres rue Kantari, où ce dernier vécut lors de son séjour dans la tumultueuse ville de Beyrouth dans un appartement doté d’un balcon en croissant, il tombe sur une vieille épicière à la mémoire vive. Laquelle n’a pas oublié que l’Anglais se procurait ce qu’elle appelle des « cigarettes de gentleman », des John Player Special. Moyennant un bakchich consenti au concierge, il put entrer dans l’immeuble de cinq étages, grimper les étages jusqu’au cinquième et se glisser fébrilement pendant quelques précieuses minutes dans l’appartement déserté pour y prendre des photos. Une promenade entre le passé et le présent pouvait alors commencer. Avec des réminiscences de l’enfance, l’évocation d’un patron de restaurant plongé dans un exemplaire de La Taupe de John Le Carré ou d’une princesse italienne. Sans parler d’un détour par Alexandrette, cité endormie et port magnifique d’un point de vue miliaire selon T.E. Lawrence. L’ensemble constituant le matériau dont Emmanuel Villin, devenu écrivain, tirerait le meilleur parti.
Emmanuel Villin, Kim Philby et moi, Stock, 220 p., 19, 50€