La Galerie Nathalie Obadia rassemble avec éclat une sélection inédite de peintures et de dessins sur verre feuilleté de Carole Benzaken.
À la fois vives et contemplatives, les œuvres de Carole Benzaken (née en 1964) se déploient par bribes et par éclats, invitant le regard à une expérience perceptive où le présent de l’observation se projette dans le terreau des sensations. Puisant dans un vaste répertoire d’images qu’elle interprète et juxtapose en de subtiles variations, l’artiste dément dans ses toiles toute vision fixe, si ce n’est figée, à la faveur d’une complexité visuelle savamment orchestrée.
Chaque composition s’affirme et se dérobe dans un jeu d’entrelacs lumineux et de géométries entremêlées, à l’image d’une mosaïque établie par des fragments de miroirs brisés. Les Éclats de Carole Benzaken relèvent alors du domaine du spéculaire où la prise en charge du réel, multiple et plurielle, se manifeste en de nombreuses entités. L’artiste obtient ces effets en associant encre de chine et huile de différentes densités : peintures et dessins sur verre feuilleté jouent d’une imbrication des couches qui se fondent les unes dans les autres, révélant ainsi une transparence où transpire intensément la couleur. Dans ce vacillement optique, les gammes chromatiques paraissent fusionner entre elles et en appellent à une musicalité qui se répand en des espaces mouvants, territoires flottants, tout en vibrations vaporeuses où le regard devine l’apparition intermittente de figures humaines et animales. Un rapport étroit entre la terre et la chair s’établit et Carole Benzaken – peignant au sol – semble alors explorer le fondamentalisme des corps dans leur relation avec la nature : « le paysage étant une chair, un espace fait de jeux de fluides et de géométries structurantes » déclare-t-elle ainsi. L’œil est happé par ce champ visuel ouvert où l’impression fugitive se mêle à la vivacité d’une observation spontanée, la perception traditionnelle des formes et de l’espace se retrouvant alors parfaitement révoquée. Car la fluidité est de mise dans cette œuvre où la figuration s’intensifie dans l’abstraction et où les points de vue, multiples et changeants, semblent animés d’un perpétuel mouvement. Ce dernier s’étend également hors du champ pictural, l’œil se déplaçant d’une peinture à l’autre par rebonds, naviguant alors entre différents mondes, du plus abstrait au plus représenté, du plus flou au plus fragmenté. « Le monde, l’actualité, la politique, les grands bouleversements de la perception, l’accélération des flux temporels me font réagir. La peinture est un lien, un liant. Elle me relie au monde et aux autres médias, m’obligeant à toujours imaginer la possibilité d’une nouvelle image… »précise alors Carole Benzaken. Porté par un jeu plastique toujours mobile duquel n’est pas exclu le privilège fragile d’un équilibre suspendu, un magnétisme, véritablement hypnotique, enveloppe alors ses peintures. Et l’artiste de capter ainsi les sollicitations infinies qui déterminent notre rapport aux images d’aujourd’hui et, d’une certaine manière, notre attention à la vibration incessante du présent.
Carole Benzaken – Éclats ,jusqu’au 18 mai- Galerie Nathalie Obadia au Faubourg Saint-Honoré